«Il y a un enjeu de santé publique largement sous-estimé»
Selon Alain Bobbio, de l’Association des victimes de l’amiante, un tiers des écoles n’ont pas réalisé de diagnostic.
Pour Alain Bobbio, secrétaire national de l’Association des victimes de l’amiante (Andeva), il faut sortir du déni et repenser les diagnostics amiante. L’amiante est-elle présente dans beaucoup d’établissements scolaires ?
Ce matériau est interdit dans les constructions depuis 1997. Mais beaucoup d’établissements scolaires ont été construits avant cette date, notamment dans les années 60. Un rapport de l’Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires de 2016 révèle que 85 % des 63000 établissements scolaires en France ont au moins un de leurs bâtiments dont la construction est antérieure à 1997… Autre chiffre : un tiers des écoles primaires n’ont pas fait de diagnostic technique amiante, un document pourtant obligatoire. Ce qui veut dire que dans une école sur trois, on ne sait même pas s’il y a de l’amiante dans le bâtiment. Il n’y a tout de même pas danger de façon systématique? Le niveau de danger n’est pas le même dans tous les établissements. Mais les matériaux contenant de l’amiante se dégradent. Le danger s’aggrave au fil du temps. Le problème de l’amiante n’est pas derrière nous. C’est même l’inverse. Quand les bâtiments vieillissent et sont mal entretenus, ce qui est malheureusement le cas dans un certain nombre d’écoles, le risque d’exposition à l’amiante est décuplé. Il y a un vrai enjeu de santé publique méconnu et largement sous-estimé. D’où notre appel à mobilisation aujourd’hui pour alerter, et qu’enfin, on avance. Que recommandez-vous ?
La première urgence est de sortir du déni. Certes, il n’est pas généralisé. Certains élus engagent des travaux. Mais trop souvent les collectivités locales, qui ont la charge des établissements scolaires, font comme si le danger n’existait pas. D’abord parce que la conscience du danger n’est pas spontanée et les conséquences de l’exposition ne sont pas immédiates. Avec l’amiante, il faut trente ou quarante ans avant que la maladie ne se déclare. Les personnes en responsabilité ne sont pas sous la menace immédiate d’assumer les conséquences de leurs décisions. Ensuite, il y a des enjeux financiers. L’ampleur du problème fait peur. Il y a des hectares de dalles de vinyle-amiante non seulement dans les écoles, mais aussi dans l’ensemble des bâtiments publics. Il faut mettre en place un vrai programme d’éradication totale de l’amiante par région. En commençant en priorité par les écoles les plus dégradées. Les enfants en bas âge sont les plus vulnérables, leurs voies respiratoires plus proches du sol. Des pays ont réussi à programmer des plans d’éradication de l’amiante, comme en Espagne. Prenons exemple.
En commençant par faire des diagnostics amiante ?
Oui, et les rendre publics, et s’assurer de leur qualité. Un rapport sénatorial pointait le diagnostic amiante comme «le maillon faible du désamiantage». Jusqu’à une date récente, une formation de trois jours, sans référence préalable, suffisait pour devenir diagnostiqueur ! Aujourd’hui, les diagnostics, lorsqu’ils existent, sont souvent incomplets et contradictoires, comme l’illustre le cas de la cité scolaire Brassens à Villeneuve-le-Roi. Il faut enfin que les CHSCT soient préservés, ils sont essentiels dans les lieux de travail pour tirer l’alarme en cas de danger. Leur suppression serait une folie, a fortiori lorsqu’il y a des enfants.
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