#BonsParents:
Les pro-PMA entrent en campagne La nouvelle opération de sensibilisation de SOS Homophobie, lancée jeudi, s’attaque aux stéréotypes associés à la procréation médicalement assistée.
C’est une «priorité», qu’il est grand temps de réclamer. Calmement, posément, et surtout, avec pédagogie. Pour militer en faveur de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, l’association SOS Homophobie a lancé jeudi une campagne de communication, basée sur un court film et le hashtag #BonsParents. Objectif: faire en sorte que ces images soient largement relayées sur les réseaux sociaux, par des personnalités comme par le grand public.
Ce clip, réalisé bénévolement par l’agence de com TBWA, met en scène une mère et son enfant dans un quotidien tout ce qu’il y a de plus banal, des devoirs au goûter, en passant par des moments de jeux, le tout filmé par l’autre parent, dont on ne découvre le visage – féminin – qu’à la fin. «Et si on donnait à tout le monde le droit d’être un bon parent ?» questionne la voix off en guise de conclusion.
«Violence».
Pour le président de SOS Homophobie, Joël Deumier, le but de cette campagne est clair : faire entendre la «majorité silencieuse. Les Français sont pour l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, mais ils ne le disent pas forcément», observet-il, citant notamment un sondage Ifop réalisé pour le quotidien la Croix en début d’année, selon lequel 60 % des Français sont favorables à cette mesure. «La PMA est l’une des dernières discriminations inscrites dans la loi française», insiste-t-il. Outre ce clip, l’association lance une série d’outils pédagogiques (tracts distribués par ses relais locaux ou documentation adressée aux pouvoirs publics) pour expliquer ce qu’est la PMA et contrer les caricatures, stéréotypes homophobes et autres épouvantails agités par les opposants, Manif pour tous en tête. «Vous imaginez la violence que cela peut représenter d’entendre parler de “bébés OGM” pour toutes celles et ceux qui ont recours aux dons de gamètes, y compris les hétérosexuels ?» insiste Joël Deumier, qui craint une résurgence des discours haineux à l’occasion des débats à venir, comme ce fut le cas lors des discussions sur le mariage pour tous. «2013 fut une année noire pour l’homophobie, avec une hausse de 78% des témoignages relatant des agressions homophobes par rapport à l’année précédente», alerte SOS Homophobie, qui en appelle à la responsabilité des pouvoirs publics pour un débat apaisé.
Lundi encore, une énième agression homophobe a eu lieu, selon 20 Minutes, place de la République à Paris. Un couple de femmes aurait été insulté, avant que l’une d’elles ne reçoive un coup de poing au visage. L’agresseur a pris la fuite et une enquête a été ouverte.
Alors que l’aide médicale à la procréation est pour l’heure réservée aux couples hétérosexuels en âge de procréer, SOS Homophobie, comme nombre d’associations, espère son ouverture aux lesbiennes et aux célibataires, comme c’est déjà le cas chez une dizaine de nos voisins européens, dont la Belgique et l’Espagne.
«Beaucoup de Françaises se rendent à l’étranger, ce qui engendre non seulement des inégalités sociales (ces procédures ont un coût non négligeable), mais les expose aussi à des risques sanitaires et juridiques», analyse la vice-présidente de SOS Homophobie, Véronique Godet. Ainsi, après une PMA à l’étranger réalisée par un couple de femmes, celle qui n’a pas accouché doit entamer une procédure d’adoption, rendue possible par la loi de mai 2013 ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de même sexe. «C’est une démarche lourde, qui peut prendre entre six et douze mois, et s’avère elle aussi coûteuse : entre 400 et 2 000 euros de frais d’avocats», déroule Véronique Godet. SOS Homophobie milite donc en faveur d’une PMA pour toutes, remboursée dans les mêmes conditions que pour les couples hétéros, ainsi que l’établissement d’une filiation automatique via une déclaration commune anticipée.
Cette urgence à voter une mesure promise et repoussée de longue date est aussi exprimée par nombre d’associations. Ainsi, dans un communiqué, Osez le féminisme estime que «le temps des tergiversations est passé», et souligne qu’«il y a urgence à agir. Laisser s’installer un débat fumeux, c’est provoquer un pourrissement de la situation dont les femmes sont les victimes», assure l’association, qui a lancé une pétition, signée par près de 8 000 personnes à ce jour. Par ailleurs, dans une tribune parue ce jeudi sur France Info, près de 90 femmes ayant eu recours à la PMA à l’étranger estiment que «l’ouvrir aux couples lesbiens et aux femmes célibataires, c’est d’abord reconnaître nos familles, qui existent déjà, depuis des décennies». Les signataires disent leur volonté de contribuer au débat et leurs craintes d’être stigmatisées.
«Souhaitable».
Le gouvernement doit présenter d’ici à la fin de l’année un projet de loi sur les questions de bioéthique (autoconservation des ovocytes, PMA, anonymat ou pas des donneurs de gamètes). Le texte devrait ensuite être soumis au Parlement début 2019. Mardi, le Défenseur des droits a pris position en faveur de l’ouverture de la PMA à toutes. Questionné par la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la révision des lois bioéthiques, il a jugé que «l’évolution souhaitable des règles en faveur de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes impliquera de nouvelles modalités d’établissement de la filiation».
Jacques Toubon soumet deux possibilités : soit une déclaration commune anticipée, soit l’instauration d’une filiation automatique, reposant sur une présomption de comaternité pour l’enfant né d’une PMA. Fin septembre, le Conseil national consultatif d’éthique avait lui aussi rendu un avis positif sur le sujet. Face à tant de feux verts, il ne reste plus qu’à démarrer. •