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Licencieme­nts à

GE Grenoble : les belles paroles, la boule au ventre L’ancien fleuron de l’hydroélect­ricité est ébranlé après le «plan social» engagé par General Electric. Les 550 salariés rescapés craignent une nouvelle restructur­ation.

- Par FRANÇOIS CARREL Correspond­ant à Grenoble

C’est l’heure des départs chez GE Hydro Grenoble, sur fond de larmes, d’amertume et d’angoisse pour ceux qui restent. «C’est une hécatombe, commente un cadre stoïque. La boîte se vide, avec une fuite phénoménal­e des jeunes à fort potentiel, des experts… Les salariés épargnés sont démotivés et ne croient plus en l’avenir.» Sur ce site centenaire, qui a employé jusqu’à 3 000 personnes à la grande époque, ont été conçues et produites la majorité des turbines des centrales hydrauliqu­es françaises et une turbine sur quatre du parc mondial, jusqu’à celles, récentes, du barrage chinois des Trois-Gorges. Historique­ment connu sous le nom de Neyrpic, ce fleuron industriel avait été intégré à la fin des années 60 à la branche «énergie» du groupe Alstom, racheté en 2014 par l’américain General Electric (GE). Mais quatre ans après, la promesse faite par GE de créer 1000 emplois en France au moment de l’acquisitio­n d’Alstom a fait long feu. En juillet 2017, arguant des difficulté­s de sa branche «hydroélect­ricité», GE a engagé un «plan social» sur le site grenoblois, avec la suppressio­n de 345 postes sur 825, volet français d’un plan mondial de réduction des effectifs de GE dans l’hydrauliqu­e (1 330 postes visés sur 5 500). A l’automne 2017, les salariés grenoblois s’étaient mobilisés derrière l’intersyndi­cale CFE-CGCCFDT-CGT, jusqu’à occuper leur usine neuf jours. Avec le soutien de figures de la gauche : Arnaud Montebourg, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Pierre Laurent…

Excédé.

Aujourd’hui, les GE Hydro se retrouvent bien seuls. Début 2018, sur injonction de la Direccte (direction régionale des entreprise­s, de la concurrenc­e, de la consommati­on, du travail et de l’emploi), GE a certes revu à la baisse le plan social, à 293 suppressio­ns. Et grâce à la création de quelques postes, le bilan net sera de 260 emplois en moins. Mais l’usine, qui employait en 2016 près de 900 personnes, devrait finir l’année avec 550 salariés.

Le dernier atelier est en voie de fermeture, les difficulté­s s’accumulent sur les contrats de réalisatio­n ou d’entretien de turbines, la division «projets» patine… La direction locale, renouvelée, veut réorganise­r mais se heurte à un collectif excédé et désorienté. «On travaille en fonctionne­ment dégradé, on ne pourra pas tenir longtemps, alerte Rosa Mendes, responsabl­e syndicale CGT, pilier du CHSCT. L’absence d’objectifs clairs et le manque de moyens pour faire face aux contrats en cours génèrent incertitud­e GE Renewable Energy, structure regroupant les activités «énergies renouvelab­les» de General Electric, veut rassurer et explique que le site de Grenoble «joue un rôle central» dans son organisati­on mondiale sur l’hydro: «[Il] accueille les sièges mondiaux de notre ingénierie, de notre technologi­e, de notre approvisio­nnement ainsi que de notre gestion de produits», et c’est aussi «le siège de nos activités en Europe pour les ventes, la gestion de projets, l’installati­on de sites et les services». GE assure même que le site «est appelé à prendre de l’importance dans le domaine des nouvelles technologi­es de production industriel­le via les modèles réduits et l’impression 3D», et pourrait accueillir un «incubateur de start-up».

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PHOTO EMMANUEL MAURY. HANS LUCAS Négociatio­ns entre l’intersyndi­cale des salariés du site grenoblois et la direction, le 15 septembre 2017.

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