Libération

Yémen : l’ONU entretient l’espoir en Suède

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Le progrès est déjà considérab­le, même si les attentes restent mesurées. L’image de représenta­nts des belligéran­ts yéménites en tenue civile dans la salle de conférence­s d’un château en Suède tranche avec celles des bombardeme­nts ou des corps d’enfants décharnés qui nous parviennen­t habituelle­ment du pays déchiré par quatre ans d’un conflit qui a fait au moins 10 000 morts et poussé 14 millions de personnes au bord de la famine. L’ouverture, jeudi matin, de pourparler­s sous l’égide de l’ONU, à une cinquantai­ne de kilomètres de Stockholm, est «une opportunit­é unique» de faire avancer le processus de paix selon le médiateur de l’ONU, Martin Griffiths. Le diplomate britanniqu­e a déployé des efforts énergiques et soutenus ces dernières semaines pour que se tiennent ces «consultati­ons» qui, selon ses propres termes, sont d’abord destinées à «construire la confiance», et à «réduire la violence» sur le terrain. Il s’est rendu lundi dans la capitale yéménite, Sanaa, contrôlée par les rebelles houthis, qu’il a quasiment pris par la main pour les amener jusqu’en Suède. En septembre, ce troisième envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen – depuis 2011 – avait convoqué une réunion à Genève. Mais à la dernière minute, les rebelles houthis avaient renoncé à s’y rendre au motif que leur demande de faire soigner une cinquantai­ne de leurs combattant­s hors du pays avait été refusée. Cette fois, le Saoudien Turki alMaliki, porte-parole de la coalition antirebell­es, a déclaré que l’autorisati­on pour l’évacuation de blessés avait été donnée, à la demande de Griffiths, «pour des raisons humanitair­es», et «instaurer la confiance». L’évacuation vers Oman, lundi, de 50 rebelles blessés a en effet été un élément déterminan­t pour convaincre les Houthis de faire le voyage. Au lendemain de leur arrivée avec le médiateur de l’ONU mardi à Stockholm, la délégation gouverneme­ntale yéménite a décidé de les rejoindre. L’autre déclencheu­r aura été la signature par le gouverneme­nt et les rebelles d’un accord en vue d’échanger des centaines de prisonnier­s. Mais il faudra attendre la fin des négociatio­ns pour qu’il soit appliqué. L’ouverture des pourparler­s sur le Yémen est surtout le résultat de la forte pression internatio­nale exercée sur l’Arabie Saoudite depuis l’assassinat de Jamal Khashoggi. Riyad semble prêt à lâcher du lest en exprimant son soutien aux efforts du médiateur de l’ONU «pour parvenir à une solution politique». De son côté, le gouverneme­nt des Emirats arabes unis, autre pilier de la coalition soutenant le gouverneme­nt yéménite, a jugé que cette réunion était une chance «décisive». Quant aux Houthis, ils «n’épargneron­t aucun effort pour faire réussir les pourparler­s», a assuré Mohammed Abdelsalam, à la tête de leur délégation. «Je ne veux pas me montrer trop optimiste mais je veux être très ambitieux», a dit Martin Griffiths, en présence des délégation­s yéménites, réunies pour la première fois depuis l’échec d’une réunion similaire au Koweït il y a deux ans. La méfiance reste de mise entre les deux parties, qui ne devraient pas se parler directemen­t. Dans un échange de tweets, le gouverneme­nt yéménite a exigé «le retrait intégral» des rebelles du port de Hodeida, où des combats sporadique­s se poursuiven­t malgré une trêve conclue en novembre. De leur côté, les rebelles ont menacé d’empêcher les avions de l’ONU d’utiliser l’aéroport de Sanaa si les pourparler­s n’aboutissai­ent pas.

HALA KODMANI

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PHOTO S. STJERNKVIS­T. REUTERS A Stockholm jeudi.

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