Libération

Périlleux

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Les présidents François Mitterrand et Nicolas Sarkozy, en 1988 et 2012, avaient écrit aux Français pour annoncer leur candidatur­e à un second mandat. Dix-huit mois après son installati­on à l’Elysée, Emmanuel Macron se livre au même exercice épistolair­e pour lancer son grand débat censé répondre à la crise sociale et politique ouverte par le mouvement des gilets jaunes. Cette consultati­on, prend soin de préciser le chef de l’Etat à la fin de sa lettre, «n’est ni une élection, ni un référendum». Ni un référendum anti-Macron, faut-il évidemment comprendre… Avec cette adresse aux Français, le chef de l’Etat est en fait candidat… à sauver les trois ans qu’il lui reste à passer à l’Elysée. L’humilité du style, la simplicité du vocabulair­e, le ton direct et concret des questions qu’il suggère d’aborder d’ici la mi-mars en disent long sur l’urgence pour Emmanuel Macron à renouer avec les Français. L’arrogant Jupiter tente avec ce texte de se mettre à hauteur de rondpoint. Moins vertical, plus horizontal. Les déplacemen­ts que le chef de l’Etat va effectuer dans les jours qui viennent pour lancer son grand débat diront si les Français y sont prêts. A priori, ce n’est pas gagné, si l’on en croit le regain de mobilisati­on des gilets jaunes, samedi. Reprendre le dialogue ne sera pas aisé. Et, si l’on ose dire, va demander au chef de l’Etat un certain «goût de l’effort». D’autant que son courrier ne lève pas l’ambiguïté majeure qui entoure ce grand débat. «N’importe quel sujet» pourra être abordé, «il n’y a pas de questions interdites», écrit Emmanuel Macron, qui promet «un nouveau contrat pour la Nation». Mais il précise aussi avoir été élu sur un projet auquel il entend rester «fidèle».

La parole est donc libre, mais «en même temps» pas trop. L’exercice est d’autant plus périlleux que l’humeur du pays reste plus que grincheuse. •

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