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Explosion à Paris : après l’onde de choc, les pompiers endeuillés

Intervenus pour une fuite de gaz, deux pompiers ont été tués samedi par une déflagrati­on dans le IXe arrondisse­ment. Une touriste et une habitante de l’immeuble sont également mortes.

- Par CHLOÉ PILORGETRE­ZZOUK Photo RÉMY ARTIGES

C’est une interventi­on fréquente, presque banale. Qui se termine bien dans 99 % des cas. Il est un peu plus de 8h30, samedi, lorsque les sapeurspom­piers de Paris sont appelés par une habitante du 6, rue de Trévise, dans le chic IXe arrondisse­ment de la capitale. En cause, une puissante odeur de gaz. Rapidement, six soldats du feu arrivent sur place. Ils entament la reconnaiss­ance des lieux, font le tour des étages pour avertir les résidents de se confiner dans leur appartemen­t. «Dans une telle situation, la priorité c’est de barrer la fuite de gaz, de figer le risque», explique à Libération le commandant Eric Moulin de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP).

«Scène de guerre». Mais quelques minutes plus tard, le drame survient. Une violente explosion souffle l’immeuble, qui abrite au rez-dechaussée une boulangeri­e d’où pourrait provenir la fuite. Du sous-sol au premier étage, aucun plancher ne résiste au blast. Des flammes dévorent ce qu’il reste des murs. L’onde de choc, puissante et dévastatri­ce, est ressentie à plusieurs centaines de mètres : dans certains logements des rues adjacentes, des fissures apparaisse­nt aux plafonds. «J’étais en train de dormir. Le bruit m’a réveillée en sursaut, a raconté une voisine à Libération. Sur le coup, je n’ai pas compris… Tous les livres de ma bibliothèq­ue sont tombés ! Ça sentait le brûlé jusque dans mes escaliers.» Les voitures stationnée­s sont retournées, des portes blindées soufflées, le sol est jonché de gravats… Douze immeubles ont été évacués. «Une situation chaotique» assimilabl­e à «une scène de guerre», commente le commandant Moulin qui, en trente-cinq ans de carrière, n’a jamais vu ça. Très vite, «une course contre la montre» s’engage alors qu’une partie de l’édifice menace de s’effondrer. Il faut appeler des renforts, s’occuper des blessés – comme lors des attentats, on dresse des postes médicaux avancés – et rechercher d’éventuels disparus. Au total, pas moins de 270 sapeurs-pompiers de 36 casernes différente­s sont mobilisés. Resté coincé sous les décombres plus de deux heures, le première classe Maxime Acard «va bien». «On a au moins réussi à sauver de nombreuses personnes et l’un des nôtres», se console le commandant des pompiers de Paris. Mais deux de ses camarades n’ont pas eu cette chance. Rattachés tous deux à la caserne de Château-d’Eau (Xe arrondisse­ment), le caporal-chef Simon Cartannaz et le sapeur de première classe Nathanaël Josselin sont morts, ainsi qu’une touriste espagnole, mère de trois enfants, et une résidente du premier étage, dont le corps sans vie a été découvert dimanche matin sous les décombres. Cinquante autres personnes ont été blessées dont neuf grièvement. Alors qu’une cellule de crise a été mise en place à la BSPP, les hommages pour saluer le sacrifice de ces deux héros ordinaires se sont multipliés sur les réseaux sociaux. «Deux frères partis trop tôt… On ne vous oubliera jamais», a publié sur Facebook un copain de cette prestigieu­se brigade, dont la devise est «sauver ou périr».

«Boute-en-train». Pacsé et père d’un petit garçon de quatre ans, Nathanaël Josselin aurait fêté ses 28 ans le 17 février. Il avait rejoint la BSPP à l’automne 2014 mais était aussi pompier volontaire à Brienon-sur-Armançon (Yonne) depuis 2007. «Je le connais depuis ses 6 ans. Petit, je l’emmenais avec moi au centre de secours. C’est comme ça qu’il a pris le virus», raconte à Libération le lieutenant Mickaël Roy du SDIS 89. «On pouvait compter sur lui dès qu’il terminait ses gardes à Paris. C’était un boute-entrain, toujours une blague ou un mot gentil», décrit celui qui est aussi son beau-frère. Originaire d’un petit village savoyard, Simon Cartannaz avait 28 ans. Pompier volontaire à Chambéry, il faisait partie de la BSPP depuis le 6 août 2013. Etre soldat du feu chez les Cartannaz était aussi une affaire de famille : sa cadette, Pauline, est pompier volontaire. Le 14 juillet, le frère et la soeur avaient défilé ensemblesu­rlesChamps-Elysées. Dimanche, le montant de la cagnotte de soutien aux familles lancée par les pompiers parisiens s’élevait déjà à plus de 135 000 euros. •

«Le bruit m’a réveillée en sursaut. Mes livres sont tombés. Ça sentait le brûlé dans mes escaliers.» Une voisine

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A l’angle de la rue Bergère et de la rue de Trévise, à Paris, dimanche.

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