PROGRÈS TECHNIQUE SANS FATALITÉ
D’abord, en finir avec le fantasme d’un monde où les robots remplaceraient les humains. «Le progrès technique a toujours fasciné, et ses effets sont souvent exagérés, prévient Marc Fleurbaey. Nos experts le disent à nouveau : les innovations ne vont pas faire disparaître le travail. Mais sa recomposition va être très compliquée à gérer.» Afin de parer la vague d’innovation à venir sur le travail manuel et l’autonomisation des métiers de la classe moyenne, le Pips plaide pour l’instauration d’une formation tout au long de la vie et d’un revenu universel garanti.
Seconde idée reçue contre laquelle il faudrait se prémunir : «Le progrès technique n’est pas une donnée exogène sur laquelle nous ne pourrions pas agir, note Fleurbaey. Il est au contraire largement lié aux incitations. Il peut être dirigé, dompté.» L’augmentation des inégalités et les dysfonctionnements ne sont pas des conséquences inévitables des transformations technologiques. Le progrès technique, ce n’est pas seulement un inventeur génial dans son labo, c’est aussi des innovateurs qui appliquent leur découverte et la diffusent. Si un Etat choisit d’alléger la taxation du travail (en compensant par la taxation des situations de rente ou de monopole) et d’alourdir celle de la pollution induite par une entreprise, l’innovation ciblera plutôt les technologies moins polluantes que celles qui réduisent la main-d’oeuvre. Et si, dans l’entreprise idéale qu’appelle de ses voeux le Pips, les caissières ont le droit de vote au sein du conseil d’administration, «il y a fort à parier que les emplois supprimés par l’installation de caisses automatiques seront redéployés pour assurer une présence humaine dans les rayons, plus en phase avec le service attendu par les clients», illustre Marc Fleurbaey.