DÉMOCRATISER LES ENTREPRISES
Les entreprises sont les acteurs clés de la nouvelle société pensée par les 300 scientifiques du Panel international sur le progrès social (Pips). Mais «l’organisation traditionnelle de l’entreprise privée est anachronique, à l’âge de l’“égale dignité” et de la démocratie», pointe le livre. Les auteurs du rapport conseillent de lancer un «mouvement de libération des entreprises». Audelà du slogan, il s’agit selon l’économiste Fleurbaey de réformer leur finalité comme leur gouvernance. «Le capitalisme leur a donné un pouvoir exorbitant sur les marchés mais aussi sur le système politique. Or elles sont aujourd’hui les lieux parmi les moins démocratiques du monde.» Il faut cesser d’en faire des «êtres» aux pouvoirs exorbitants. C’est ce qu’a fait le droit moderne en considérant l’entreprise comme un «individu artificiel» (la fameuse «personne morale») et lui donnant «une existence indépendamment de ses membres». Le principe de «responsabilité limitée», grâce auquel les actionnaires ne peuvent être tenus pour responsables des dettes d’une société, doit être abrogé ou réformé. Il faut ensuite «briser le mythe selon lequel les entreprises appartiennent aux actionnaires». La gouvernance de l’entreprise doit s’ouvrir aux parties prenantes la composant : actionnaires, salariés, clients, fournisseurs, communauté locale. «On pourrait ainsi imaginer des conseils d’administration composés de trois collèges – apporteurs de capitaux, travailleurs, autres parties prenantes – qui éviteraient le face-à-face salariésactionnaires et permettraient des alliances plus souples en fonction des sujets abordés», tente Fleurbaey. Le rapport insiste sur la piste américaine des benefit corporations (B-Corp), qui adossent leur valeur, non pas seulement à celle de leur action, mais aussi à leur impact environnemental ou aux collectivités qui les entourent.