«ÉTAT ÉMANCIPATEUR»
C’est l’un des outils conceptuels phares du rapport du Pips. L’Etat-providence version sociale-démocrate serait, au goût du collectif de chercheurs, trop centralisé et ne s’attaquerait pas assez au déséquilibre structurel de l’économie capitalistique. «En Europe, en France notamment, il a certes permis que les inégalités restent à un niveau tolérable», admet l’économiste Marc Fleurbaey. Mais le Pips préconise sa mutation vers une forme plus émancipatrice, soit un «Etat émancipateur», pivot de l’autonomisation des individus, «qui implique le droit de tout un chacun à contrôler sa vie et à prendre part, grâce à un niveau d’éducation et d’information suffisant, aux décisions qui l’affectent dans les différents groupes, associations, communautés et organisations dont il fait partie». Il s’agirait moins pour lui de redistribuer des ressources pour compenser les chocs du marché après coup – moins d’«assistance», donc – que de garantir plus de «droits au pouvoir, au statut et au savoir dans toutes les institutions dans lesquelles les individus sont impliqués» en amont. Cet Etat émancipateur constituerait, selon le Pips, l’acteur clé afin de «réencastrer» l’économie dans des institutions de solidarité à l’échelle nationale. Une formule empruntée au Hongrois Karl Polanyi, laquelle suggérait que l’économie de marché devait être réinsérée dans des mécanismes sociaux d’assurance après avoir été libérée de l’emprise des communautés traditionnelles au XIXe siècle. «L’Etatprovidence s’était d’abord donné pour mission de s’occuper des perdants du système. Puis il a voulu préparer les individus à la compétition économique – c’était la vision de Tony Blair, inspiré par le sociologue Anthony Giddens, reprend Marc Fleurbaey. Désormais, nous arrivons dans un troisième âge où l’Etat doit changer les règles du jeu social et économique, favoriser la coopération plutôt que la compétition.»