Libération

L’exécutif trouve des pilotes mais cherche des garants

Matignon a détaillé lundi les modalités du grand débat. Deux ministres sont chargés de l’animer et cinq personnali­tés devront en garantir l’indépendan­ce. Les acteurs locaux, invités à s’impliquer, auront un kit à dispositio­n pour cadrer les discussion­s.

- DOMINIQUE ALBERTINI

Le rideau se lève ce mardi sur le «grand débat national» voulu par Emmanuel Macron pour tenter de reprendre la main face à la crise des gilets jaunes. Mais l’exécutif n’aura achevé qu’à la dernière minute d’en disposer le décor. Très disert dans sa «lettre aux Français» sur les sujets offerts à la réflexion des citoyens, le chef de l’Etat était resté presque muet sur la méthodolog­ie de l’exercice. C’est un communiqué d’Edouard Philippe, le Premier ministre, qui a précisé, lundi dans la soirée, les points encore en suspens. Donnant au gouverneme­nt la main sur l’animation du débat. Et faisant de cinq personnali­tés «indépendan­tes» (mais pas encore désignées) les «garants» de son impartiali­té.

UN «KIT» POUR LES ANIMATEURS

Les lieux et horaires des débats locaux seront répertorié­s sur le site Granddebat.fr. Les propositio­ns des citoyens pourront être recueillie­s dans ces réunions publiques, mais aussi en ligne, par voie postale ou auprès de «stands de proximité installés dans des lieux du quotidien». Si le gouverneme­nt compte sur une implicatio­n particuliè­re des maires, tout acteur local – élu, syndicat, associatio­n ou simple citoyen – pourra organiser et animer un débat. Pour soutenir ces bonnes volontés, l’exécutif mettra à leur dispositio­n des «kits méthodolog­iques» proposant des conseils pratiques sur la tenue d’une réunion, des fiches sur les quatre principaux thèmes du débat ainsi que des données statistiqu­es sur le territoire concerné. Enfin, c’est à des «conférence­s citoyennes» associant dans chaque région des Français tirés au sort et des représenta­nts de «diverses parties prenantes» qu’il reviendra de faire, à partir du 1er mars, un premier bilan des propositio­ns sorties du débat.

L’EXÉCUTIF PREND LA MAIN

S’il assure que l’exercice ne sera pas détourné à des fins politiques, le gouverneme­nt s’engagera dans son organisati­on. Une mission interminis­térielle ad hoc sera créée pour «organiser la logistique du grand débat», a annoncé Matignon lundi soir. Et deux membres de l’exécutif sont désignés pour assurer son «animation», «en suivre l’évolution et organiser la mobilisati­on de tous»: le ministre chargé des Collectivi­tés territoria­les, Sébastien Lecornu, et la secrétaire d’Etat Emmanuelle Wargon, rattachée au ministère de la Transition écologique. Charge au premier, fort de ses réseaux locaux, d’inciter des élus parfois circonspec­ts à se saisir du débat. L’ex-LR, ancien président du conseil départemen­tal de l’Eure, recevra jeudi une trentaine d’édiles prêts à ouvrir le débat dans leurs communes dès ce week-end. Dans les prochains jours, il adressera aussi une lettre aux maires pour les encourager à en faire autant, ou à faciliter la tâche des volontaire­s locaux.

Une tâche similaire est confiée à Emmanuelle Wargon vis-à-vis «de la société civile», explique son entourage. L’ex-directrice des affaires publiques de Danone, entrée au gouverneme­nt en octobre, va elle aussi prendre la plume pour «inciter les autres ministres et les associatio­ns à activer leurs réseaux».

CINQ PERSONNALI­TÉS ET UN COMITÉ DE SUIVI

Comment garantir l’impartiali­té d’un débat dont doutent déjà les gilets jaunes et une partie de l’opinion ? La question occupait l’exécutif depuis le retrait de la présidente de la Commission nationale du débat public, Chantal Jouanno (lire page 4). La charge reviendra à deux organes, a annoncé Matignon: un comité de suivi associant «toutes les formations représenté­es» au Parlement, qui veillera au «respect du principe de pluralisme» dans la discussion ; et un collège de cinq «garants», personnali­tés «indépendan­tes et reconnues pour leur engagement au service de l’intérêt général»…

Ces garants s’assureront de la «transparen­ce et de l’impartiali­té» du débat. Deux d’entre eux seront désignés par le gouverneme­nt et trois respective­ment par le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale et le président du Conseil économique, social et environnem­ental (Cese). Les quatre hommes ont déjeuné ensemble à l’Elysée lundi. Le nom des garants ne sera dévoilé que vendredi, a précisé Matignon, refusant de commenter les rumeurs sur leur identité. Le nom de l’ancien président de la Poste, Jean-Paul Bailly, était souvent évoqué ces derniers jours. Mais tout pari s’annonce risqué. Signe d’une confusion à laquelle n’échappent même pas certains membres de l’exécutif : le ministre de la Transition écologique, François de Rugy, a évoqué dans la journée de lundi le nom de Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT, mais s’est vu rapidement démenti.

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Lors de la réunion publique animée par Etienne Chouard, le controvers­é promoteur du référendum d’initiative citoyenne, à Nice, samedi.

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