Libération

A gauche, tous pour rien plutôt qu’un pour tous

Malgré la main tendue de Place publique et moult discussion­s, chacun reste dans son couloir.

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On tourne en rond: la gauche vend du rêve à ses militants, aux gratte-papier et aux curieux. Alors que le mois de mai et les élections européenne­s approchent, elle se tient droite et parle à voix haute d’une grande et belle union entre les rouges, les roses et les verts. Elle met en scène des réunions, des idées extraordin­aires, organise de grands meetings. Elle affiche son plus beau sourire à chaque fois qu’elle croise un flash. Pour convaincre les égarés et les déçus, la gauche s’amuse à faire peur aussi. Elle prévient du danger qui arrive à grands pas avec la montée du populisme sur tout le continent. Elle refuse de laisser toute la place aux libéraux et nationalis­tes qui rêvent de se retrouver en tête à tête. Sur le papier, la gauche est belle, forte et lucide. Dans la vraie vie, le scénario est triste comme un jour de pluie en plein été. Pourtant, en novembre, on a scruté de près l’arrivée d’un super-héros dans le grand bain politique: Place publique. Un mouvement composé de figures reconnues à gauche – Raphaël Glucksmann, Claire Nouvian ou Thomas Porcher –, qui se retroussen­t les manches afin de mettre un terme aux querelles entre les différente­s familles. Depuis, elles enchaînent les rencontres et les râteaux. Mais ne se dégonflent pas. Persuadés que l’histoire sera belle à la fin. Raphaël Glucksmann à Libé : «Ça devrait se décanter en mars. Pour le moment, on assiste à une partie de poker, tout le monde bluffe, tout le monde cache ses cartes, alors qu’il n’y a pas un seul bon jeu autour de la table. Les gars ont beau fumer le cigare avec une paire de Ray-Ban sur le nez, ils ne pèsent rien individuel­lement.» La question que se pose le cofondateu­r de Place publique: à quoi ressembler­a l’union? Toute la gauche ? Ou une partie d’entre elle ?

Honneur.

Lorsqu’on interroge les différente­s chapelles, toutes ont une bonne raison de regarder ailleurs. Benoît Hamon propose une votation citoyenne, une sorte de primaire 2.0, pour convaincre ses potentiels partenaire­s de se retrouver sur la même liste après un vote des «citoyens de gauche». Selon lui, c’est la meilleure «solution pour construire l’union». Personne ne semble intéressé. La votation citoyenne est également une manière pour l’ancien candidat socialiste à la présidenti­elle de ne pas se retrouver sur la même liste que le PS sans une validation des électeurs. Le regard des autres, c’est important en politique. Hamon présentera quoi qu’il en soit la liste de son mouvement, Génération·s, mardi à Paris, sa manière de prouver aux mauvaises langues qu’il n’a pas besoin des autres pour exister. Un pari osé.

Les communiste­s, c’est différent. Le PCF cherche un moyen de revenir sur le devant de la scène pour retrouver du souffle et rassurer ses militants. Ces dernières années, ils se sont souvent effacés derrière les autres, notamment Jean-Luc Mélenchon. Ils en font une question d’honneur. Le hic, c’est que la tête de liste, Ian Brossat, qui se démène, ne décolle pas dans les sondages. Un avion sans ailes. Glucksmann souligne : «Je discute souvent avec eux, c’est très intéressan­t. Au-delà de la stratégie, il y a des divergence­s de fond, sur les traités européens et sur la souveraine­té. Mais rien d’insurmonta­ble.»

Au milieu du vacarme et des doutes, le PS a enfilé les habits de meilleur élève. Son chef, Olivier Faure, ne joue pas les fiers. Il sait que la période est compliquée pour la gauche en général et pour son parti en particulie­r. Les socialiste­s sont pour l’union et ils se sont fixé une date limite: le 16 mars. Sinon ? Ils rentreront en campagne, derrière Olivier Faure. Et vu comme il se donne du mal pour rassembler la gauche, le député de Seine-et-Marne n’a pas l’air d’avoir très envie de finir tête de liste.

Défaite.

La gauche est aussi têtue. Yannick Jadot, tête de liste d’Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), explique depuis des mois au monde entier qu’il ne fera aucune alliance, que l’avenir de la gauche ne l’intéresse plus et qu’il mènera sa liste pour intégrer un groupe vert au Parlement européen. Franchemen­t, on ne voit pas ce qui pourrait le faire changer d’avis. Mais tous les matins, il se fait interpelle­r dans des émissions à la radio ou à la télévision. «J’ai parfois du mal à reconnaîtr­e le Yannick qui a fait campagne à mes côtés lorsqu’il déclare que la reconstruc­tion de la gauche écologiste européenne ne l’intéresse pas, disait récemment Hamon à Libé. Car on ne sauvera pas le climat et la planète avec cinq députés EE-LV au Parlement, sur une ligne ni de droite ni de gauche.» Même état d’esprit chez Place publique : «L’écologie peut devenir centrale, elle peut absorber la gauche, la social-démocratie. Yannick Jadot peut devenir historique, mais il refuse.» Aujourd’hui, au regard de la photo de famille, c’est la défaite de la gauche qui s’annonce historique. Une aubaine pour les libéraux et les nationalis­tes.

«Pour le moment, on assiste à une partie de poker, tout le monde bluffe, tout le monde cache ses cartes, alors qu’il n’y a pas un seul bon jeu autour de la table.» Raphaël Glucksmann cofondateu­r de Place publique

RACHID LAÏRECHE

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PHOTO ALBERT FACELLY le climat à Paris.

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