Libération

Imminence

- Par PAUL QUINIO

C’est reparti pour quinze jours de parenthèse enchantée. Le Salon de l’agricultur­e ouvre ses portes ce samedi à Paris et, deux semaines durant, une communicat­ion bien huilée va vanter les mérites de «la plus grande ferme du monde», ses agriculteu­rs chéris par les Français, ses formidable­s produits du terroir, ou la beauté de l’égérie de la Porte de Versailles, cette vache bleue du Nord nommée «Imminence». C’est vrai qu’elle est belle, Imminence. Elle est aussi «curieuse, affectueus­e et rustique», assure son propriétai­re. Alors rêvons un peu avec elle à… l’imminence d’un autre modèle agricole, avec ses compagnons, le mouton «Equitable», le taureau «Durable», la poule «Solidaire», sans oublier le cochon «Coopératif». Un joli nom aussi, Coopératif, non ? Trêve de plaisanter­ie : ce rêve, de plus en plus de consommate­urs et de paysans s’activent pour qu’il devienne un jour, bientôt, le plus vite possible, réalité. Préoccupés par l’avenir de la planète, comme de leur propre santé, soucieux des déséquilib­res économique­s et sociaux d’une agro-industrie toujours plus intensive, désireux aussi de retrouver le plaisir du goût – vous vous souvenez de ces tomates qui avaient le goût de tomate ? –, ces «consom’acteurs» et agriculteu­rs responsabl­es ne sont encore que des défricheur­s. Ils plantent du blé 100 % français et sans glyphosate, ne désespèren­t pas de transforme­r un projet de mégacentre commercial aux portes de Paris en terres agricoles, vantent les circuits courts et se battent pour que les producteur­s puissent vivre de leur labeur. Ils sont encore trop peu nombreux, la FNSEA reste largement majoritair­e et continuera longtemps à bloquer, à force de lobbying, la nécessaire transforma­tion d’un modèle à bout de souffle. Mais ils sont dans le sens du courant, celui des petits ruisseaux agrocitoye­ns qui un jour font les grandes rivières. •

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