Imminence
C’est reparti pour quinze jours de parenthèse enchantée. Le Salon de l’agriculture ouvre ses portes ce samedi à Paris et, deux semaines durant, une communication bien huilée va vanter les mérites de «la plus grande ferme du monde», ses agriculteurs chéris par les Français, ses formidables produits du terroir, ou la beauté de l’égérie de la Porte de Versailles, cette vache bleue du Nord nommée «Imminence». C’est vrai qu’elle est belle, Imminence. Elle est aussi «curieuse, affectueuse et rustique», assure son propriétaire. Alors rêvons un peu avec elle à… l’imminence d’un autre modèle agricole, avec ses compagnons, le mouton «Equitable», le taureau «Durable», la poule «Solidaire», sans oublier le cochon «Coopératif». Un joli nom aussi, Coopératif, non ? Trêve de plaisanterie : ce rêve, de plus en plus de consommateurs et de paysans s’activent pour qu’il devienne un jour, bientôt, le plus vite possible, réalité. Préoccupés par l’avenir de la planète, comme de leur propre santé, soucieux des déséquilibres économiques et sociaux d’une agro-industrie toujours plus intensive, désireux aussi de retrouver le plaisir du goût – vous vous souvenez de ces tomates qui avaient le goût de tomate ? –, ces «consom’acteurs» et agriculteurs responsables ne sont encore que des défricheurs. Ils plantent du blé 100 % français et sans glyphosate, ne désespèrent pas de transformer un projet de mégacentre commercial aux portes de Paris en terres agricoles, vantent les circuits courts et se battent pour que les producteurs puissent vivre de leur labeur. Ils sont encore trop peu nombreux, la FNSEA reste largement majoritaire et continuera longtemps à bloquer, à force de lobbying, la nécessaire transformation d’un modèle à bout de souffle. Mais ils sont dans le sens du courant, celui des petits ruisseaux agrocitoyens qui un jour font les grandes rivières. •