Libération

Des élections pour choisir entre la Russie et l’Europe

La Moldavie peine à s’éloigner du Kremlin, qui n’avait pas apprécié qu’elle se rapproche de l’Union européenne.

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En allant aux urnes ce dimanche, les Moldaves vont devoir, entre autres, s’exprimer sur une question vieille comme leur indépendan­ce: choisir entre l’allégeance historique à Moscou et le désir d’intégratio­n européenne. Félicitée en 2012 par la chancelièr­e allemande, Angela Merkel, pour l’avancée de ses réformes qui pourraient lui ouvrir la voie à l’adhésion, la Moldavie a signé un accord d’associatio­n avec l’UE en 2013. Mais en 2018, face àla «détériorat­ion de l’Etat de droit», Bruxelles a coupé l’aide financière à Chisinau. Entre-temps, la Russie s’était vengée des velléités européiste­s de ce qu’elle considère toujours comme son satellite légitime, en instaurant un embargo sur l’importatio­n de vin et fruits moldaves, prétextant des «préoccupat­ions en matière de sécurité alimentair­e», l’excuse habituelle pour mettre la pression sur ses alliés traditionn­els qui tentent d’aller voir ailleurs. Embargo opportuném­ent levé le 30 janvier par Vladimir Poutine, lors du dernier voyage de son homologue Igor Dodon à Moscou. Le président russe a aussi fait un geste en faveur du demimillio­n d’immigrés moldaves en situation précaire en Russie, qui pourront faire sans entraves l’aller-retour pour voter. «Nous ne sommes pas indifféren­ts à la compositio­n du Parlement en Moldavie, qui devra former le gouverneme­nt. Le développem­ent des relations russo-moldaves en dépendra», a appuyé Poutine.

Autoritair­e.

Les leviers ne sont pas qu’économique­s : une garnison russe continue de stationner en Transnistr­ie, région sécessionn­iste russophone qui permet à la Russie de peser lourdement sur les affaires moldaves. Incidemmen­t, une «représenta­tion officielle» de l’entité séparatist­e, jamais reconnue par la communauté internatio­nale, vient d’ouvrir à Moscou. Qui voit d’un très bon oeil le projet de Dodon de réintégrer la Transnistr­ie au sein d’un Etat fédéralisé. Dodon, élu en novembre 2016, entretient des liens étroits avec Poutine, dont il admire le style autoritair­e, et auquel il a rendu visite plus de dix fois en deux ans. «La Russie a investi politiquem­ent et financière­ment dans “le projet Igor Dodon” et continue de le faire, souligne sur le site Carnegie.ru Vladimir Soloviev, ancien correspond­ant en Moldavie du quotidien russe Kommersant. Dans une république parlementa­ire, le président n’a pas beaucoup de pouvoir sur la situation intérieure, mais il peut se rendre souvent au Kremlin. Poutine est donc une ressource clé pour permettre à Dodon d’agir sur la politique intérieure : c’est lui qui ouvre le marché russe aux produits moldaves, résout les problèmes des migrants…»

Préférence.

Souvent entravé dans ses projets par le Parlement et le gouverneme­nt, Dodon ne milite plus pour une «annulation» de l’accord d’associatio­n avec l’UE, et voudrait que la Moldavie puisse «faire du commerce avec la Russie comme avec l’Union». Le Kremlin, qui souhaite conserver la Moldavie dans son giron, sans trop y investir, a signifié sa préférence au candidat loyal en annonçant vendredi une enquête pénale contre Vlad Plahotniuc, le proeuropée­n du parti au pouvoir, dans une affaire de blanchimen­t de 50 millions d’euros.

VERONIKA DORMAN

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PHOTO DANIEL MIHAILESCU. AFP lors d’un meeting dans la ville de Comrat, le 15 février.

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