La zone euro malade de sa gouvernance
La crise des gilets jaunes va, sauf coupes franches dans les dépenses publiques, faire replonger le déficit public français au-dessus des 3 % du PIB en violation du Pacte de stabilité. En 2019, la France sera sans doute le seul pays de la zone euro dans cette situation, tous ses partenaires, hormis l’Italie, se rapprochant à marche forcée de l’équilibre des comptes publics. Pourtant, une partie des Français dénoncent avec vigueur «la politique d’austérité» suivie par un gouvernement «aux ordres de Bruxelles», alors que l’Hexagone n’a même jamais connu la rigueur. La progression continue de ses dépenses publiques en témoigne : elles atteignent le record mondial de 57 % du PIB, contre 45 % en moyenne dans les pays de l’OCDE… La révolte des gilets jaunes, même si leurs revendications sont contradictoires (moins d’impôts mais plus de dépenses publiques), montre en réalité qu’un pays comme la France est incapable de respecter le Pacte de stabilité. Alors imaginer qu’il puisse subir sans broncher une cure d’austérité comme cela a été le cas en Grèce ou en Espagne relève du fantasme. Surtout si une telle cure est imposée par «Bruxelles». Autrement dit, la gouvernance de la zone euro est intenable à long terme: politiquement, imposer de l’extérieur une politique budgétaire rigoureuse est tout bonnement impossible. Cela amènerait à coup sûr le Rassemblement national au pouvoir avec le risque de Frexit qui en découlerait. Est-ce étonnant ? Pas vraiment.
Aux Etats-Unis, l’Etat fédéral ne pourrait imposer une cure d’austérité à un ou plusieurs Etats fédérés. S’ils frôlent la faillite, c’est leur problème, pas celui de l’Etat fédéral. Le problème de la zone euro est qu’elle n’est pas allée au terme de son intégration : il y a certes une monnaie unique, mais pas de gouvernement fédéral, pas de parlement fédéral, pas de budget fédéral, pas de Trésor européen chargé de lever des emprunts. On a cru qu’il suffisait de contraindre les budgets nationaux pour que le système fonctionne, ce qui n’est pas le cas. S’il existait un budget de la zone euro, celui-ci pourrait jouer le rôle d’amortisseur, à l’image des budgets fédéraux, ce qui permettrait de ne plus donner l’impression aux citoyens que les dépenses et les recettes sont décidées par des institutions sur lesquelles ils n’ont aucune prise. Si la France veut faire faillite, c’est son droit souverain. Ce sera à elle de faire face à la situation sans pouvoir incriminer «Bruxelles».