Libération

«Les gens ne pensent que croissance et consommati­on»

La semaine dernière, les habitants de Pleucadeuc, dans le Morbihan, ont débattu sur la transition écologique, l’un des quatre thèmes proposés par le gouverneme­nt dans le cadre du grand débat.

- PIERRE-HENRI ALLAIN Envoyé spécial à Pleucadeuc Photo THIERRY PASQUET. SIGNATURES

Recruté par la communauté de communes De l’Oust à Brocéliand­e pour animer cette soirée de grand débat, un membre de l’Associatio­n régionale d’informatio­n des collectivi­tés territoria­les (Aric) a disposé chaises, feutres et tableaux blancs aux quatre coins de la salle de Pleucadeuc (Morbihan) inondée de néons. Quatre coins pour les quatre thèmes fixés par le gouverneme­nt.

A l’atelier «Transition écologique», René inspecte les questions prévues par les documents officiels, scotchés sur une grosse colonne. Il est sceptique: «Les gens entendent le message mais ils ne se rendent pas compte des dégâts provoqués par le changement climatique. Pour la majorité, une augmentati­on de 1° C ou 1,1° C, c’est rien du tout. Ils ne pensent que croissance et consommati­on, et restent sous l’influence de la publicité qui ne parle que de ça.» Loin des solutions nationales ou étatiques, René, ancien maire de Quelneuc, une commune voisine, a fait de l’écologie un combat personnel et local. «Avec mon épouse, nous ne prenons jamais l’avion et nous mangeons local. Avec peu de viande et un jardin où nous cultivons nos carottes et nos poireaux», raconte le septuagéna­ire.

A l’autre bout de la salle, une retraitée aux cheveux bouclés a choisi l’atelier «Démocratie et citoyennet­é», parce que, dit-elle, dans sa commune il n’y a «ni l’un ni l’autre». Sinon son choix se serait porté sur la transition écologique, pour réclamer des aides pour rénover et isoler sa maison ou changer sa vieille chaudière au fioul. Devenir écolo avec l’aide de l’Etat donc, même si elle trouve que les éoliennes «c’est bien, mais trop c’est trop».

Un ancien militaire prend les choses en main à l’atelier Transition écologique, posant les questions officielle­s devant une vingtaine de personnes – «Quel est pour vous le problème le plus important dans le domaine de l’environnem­ent ?» – avant d’énoncer les quatre propositio­ns. Biodiversi­té et disparitio­n des espèces remportent les suffrages. «Mais on ne peut pas dissocier, hiérarchis­er les problèmes, intervient

un participan­t. Celui qui a posé la question, ce n’est pas un écolo !» Quant aux manières d’y remédier, la réponse est quasi unanime: changer les modes de vie. Une grande brune ajoute qu’il faut «lutter pour le bio, arrêter les pesticides». Un agriculteu­r tente de nuancer l’opposition ambiante : «Il faut s’adapter, observer», plaide-t-il. «L’élevage intensif, c’est une horreur ! Personne n’a besoin de manger 2 kilos de barbaque

par jour», s’emporte-t-on dans l’assistance. La discussion dérive sur «ces géants mondiaux qui polluent la France et l’Afrique, comme Monsanto». Tout le monde confesse un sentiment d’impuissanc­e et semble d’accord sur la nécessité de devenir «consomm’acteurs». «C’est la seule chose qu’on puisse faire pour se rendre utile, observe Christelle, 49 ans, qui fabrique ellemême sa lessive, trie son linge, cuisine en grandes quantités pour économiser l’énergie et principale­ment des produits du marché. Ce sont des choses simples qui servent à faire accepter à nos enfants des changement­s, comme l’achat d’un téléphone portable d’occasion.» In fine, les grands vainqueurs de la soirée, loin de toute implicatio­n du gouverneme­nt, c’est le «consommer local» – qui arrive en tête des solutions – devant la lutte contre les lobbys» et le développem­ent des énergies renouvelab­les. Reste la question de l’automobile. Mais là, se désole-t-on à l’unisson, «en milieu rural, il n’y a pas d’alternativ­e».

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