Libération

L’histoire et l’actualité

- Par Philippe Artières Directeur de recherche au CNRS, Iris Dominique Kalifa Professeur à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne Photo Cyril Zannettacc­i

Il est 10 heures : c’est parti, tout le monde est là ou presque, il manque juste le rédac chef, Gérard Noiriel, bloqué dans le TGV. On y va quand même, c’est Libé… l’autogestio­n. On commence par les réactions sur l’édition du jour. Pas de une, déplore un historien, encore une photo de Macron. Pas vrai, rétorque un journalist­e, le dernier Macron en une remonte au 4 septembre. D’autres se plaignent du portrait de Bouvet. Joffrin rappelle que Libé est laïc et universali­ste. On fait défiler les pages «froides», déjà prêtes.

10 h 15 : bon, mais tout ça, ça fait pas un journal, l’actu ne manque pourtant pas : l’imminence d’une attaque turque au Kurdistan, la crise semi-constituti­onnelle aux Etats-Unis, la tenue à Lyon de la conf du Fonds mondial contre les pandémies… Un texto de Noiriel pointe le débat sur l’immigratio­n. 10 h 30 : on s’anime autour de la grande table. Chacun·e y va de sa propositio­n, en fonction de ses compétence­s ou de ses engagement­s : les suicides d’enseignant­s, la désobéissa­nce, Extinction Rebellion. Les journalist­es écoutent. Et si on se colletait un peu à l’actu, dit l’un. Les Kurdes, Trump, c’est vraiment important, on n’est pas là pour faire des pages «Idées». On avance, on commence à y voir clair : les Kurdes en une, Trump ensuite, et puis les doubles pages: actu France, la pandémie, Rouen. Et ce sera comme l’an dernier le «Libé des historien·nes». 11 heures : ça se précise, double page après double page. Ceux qui sont venus avec des idées précises les annoncent. Une spécialist­e de l’Italie, qui voulait éclairer la crise de l’été, écrit sur l’Homme de Vitruve ; les chefs de service pointent les lacunes, il faudrait ça et ça: et le sport.

11 h 15 : on y est, l’option une sur les Kurdes est validée par Noiriel. 11h20: le making-of est déjà sur Twitter, on se demande à quoi on sert. Dispersion dans les services, journalist­es et historiens mêlés. On sort les portables, et les casques, bien utiles quand une dispute éclate entre deux de nos hôtes. A la «table Trump», un antiquisan­t et un médiéviste réfléchiss­ent à l’histoire longue du contrôle démocratiq­ue.

12 h 10 : calme plat, ça écrit.

12 h 30 : premier revirement. L’absence de mouvement sur le front kurde incite à préférer l’actualité américaine. Trump refait surface en une.

13 h 15 : c’est comme si les historiens et les historienn­es s’étaient volatilisé­s, ils écrivent. Il faut l’arrivée du buffet pour qu’on les revoie s’affairer collective­ment. La suite à la machine à café, où certains regrettent les Kurdes, c’est toujours l’Amérique qui gagne.

15 h 40 : deux infos fortes coup sur coup. Attentat d’extrême droite dans une synagogue de Halle, en Allemagne, un jour de Kippour ; début de l’offensive turque au Kurdistan syrien. Nouvelle réunion au sommet, retour des Kurdes en une. Les journalist­es sont graves, les historiens et historienn­es démunis. •

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Dans les locaux de Libération, mercredi.

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