France-Italie, un mariage très cinématographique
Pourquoi n’en parle-t-on pas ? La France et l’Italie se cassent la tête depuis un moment (cinq cents ans ?) pour légitimer leurs droits respectifs sur les oeuvres de Léonard de Vinci
(lire page 13 et le P’tit Libé, pages 18-19). Mais le fait que les deux pays, à partir de la fin de la Seconde guerre mondiale, aient trouvé une manière de collaborer et de produire ensemble environ 2 000 films (et pas des moindres:
l’Avventura, le Petit Monde de Don Camillo ou
le Mépris) ne frappe personne ?
Dans quelques jours, cela fera soixantedix ans que le premier accord officiel de coproduction cinématographique européen a été créé. Le 19 octobre 1949, les représentants de la France et de l’Italie signaient à Paris un document qui a changé l’histoire du cinéma. Une initiative aux implications politiques, économiques et artistiques. Derrière la fierté pour le prestige culturel «latin», c’était aussi l’Europe (en pleine guerre froide) qui se dessinait et prenait la parole, à travers l’art populaire et médiatique par exellence. En s’associant, la France et l’Italie ont doublé leur tout en doublant leur public. Quant aux films coproduits, ils voyaient doubler leurs aides publiques. Des (co)productions parfois ambitieuses et spectaculaires, voir techniquement plus modernes, sont nées de cette alliance. Elles pouvaient ainsi espérer concurrencer l’avalanche de films américains qui submergeait l’Europe.
Et cette association a fait école : bientôt d’autres pays européens signeront des accords très, très semblables à celui qui liait la France et l’Italie.
Certes, parfois, une coproduction réunissait une société française et une société italienne... dépendant en réalité du même propriétaire. Dans le milieu, on ironisait en parlant de «coproduction franco-française» ou, plus souvent, de «coproduction italo-italienne». Le mariage cinématographique italien n’a pas été sans nuages. Même à son âge d’or, entre les années 1950 et 1970, on s’est disputé, on s’est même peut-être trompé. Les questions d’argent et la jalousie ont eu leur place, mais les objectifs communs ne sont pas passés au second plan, et les résultats – franco-italiens – sont là.
Le 19 octobre, je vous invite à y réfléchir. Il y a de la France dans la Dolce Vita et de l’Italie dans l’Année dernière à Marienbad.•