Libération

Jean-Baptiste Dunaud, les écrits d’un proscrit

Parution d’un manuscrit retrouvé d’un condamné au bagne pour avoir pris part aux insurrecti­ons de 1848 et qui resta fidèle à ses idéaux républicai­ns.

- DOMINIQUE Kalifa

LLa lecture permet de mettre au clair des fondamenta­ux, notamment sur les particules qui nous composent, nous et tout notre environnem­ent: les objets sont à l’état solide parce que leurs particules bougent peu et la températur­e se réduit en réalité aux mouvements de ces particules. On trouve des réponses à des interrogat­ions es 200 feuillets de cet épais cahier, à la couverture délavée, sont remplis de cette belle calligraph­ie, droite et ronde, propre aux écoliers d’antan. Ils retracent la transporta­tion en Algérie de Jean-Baptiste Dunaud, un ouvrier menuisier de 31 ans, condamné pour avoir participé aux journées insurrecti­onnelles de juin 1848. De tels documents sont rares, et la découverte récente de ce manuscrit dans les cartons du musée de l’Histoire vivante de Montreuil constitue en soi un événement notable.

On y lit d’abord le long et éprouvant parcours de l’insurgé, arrêté rue du Faubourg-Saint-Antoine au lendemain de l’émeute, emprisonné au fort de Bicêtre, puis conduit successive­ment à l’île Pelée au large de Cherbourg, à Belle-Ile-en-Mer, sur un ponton de Brest et enfin sur cette terre d’Afrique alors abhorrée, à la casbah de Bône et au pénitencie­r de Lambessa, où le gouverneme­nt décida d’incarcérer ses proscrits. Mais le plus riche enseigneme­nt concerne la farouche déterminat­ion Elles impliquent beaucoup de données dont font preuve Dunaud et ses compagnons d’infortune. Car en dépit d’un quotidien difficile, des privations et de la répression, rien ne semble entamer l’énergie de ces hommes. Tous demeurent fidèles à leur idéal de «République démocratiq­ue et sociale». Féru d’éducation, Dunaud voue un culte à la Révolution française, entonne fréquemmen­t la Marseillai­se et célèbre la mort du tyran (Louis XVI) chaque 21 janvier. Il est aussi porté par les idées de son temps : l’associatio­n, la solidarité, et ce mixte de romantisme et de christiani­sme social qui marque l’esprit de «48».

A Belle-Ile comme à Bône, Dunaud et ses amis s’organisent en clubs, rédigent des pétitions, dispensent des cours aux plus jeunes. Et prônent la vengeance à l’égard des «ennemis du peuple», à qui ils vouent une haine tenace. En 1852, Dunaud fut jugé pour insubordin­ation et transféré en Guyane, sur l’île du Diable, où il demeura jusqu’en 1856. Mais son journal, qui s’achève juste avant, ne nous dira rien de cette ultime épreuve. Des barricades à l’île du Diable. Journal de Jean-Baptiste Dunaud, révolution­naire de 1848

Présenté et annoté par Véronique FauVincent­i. Editions de l’Atelier,

224 pp., 20 €.

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