Libération

Adam Neumann, un crack tout kraché

L’ascension de l’homme d’affaires israélo-américain, cofondateu­r de WeWork, a été aussi vertigineu­se que la dégringola­de de son entreprise.

- G.G.

Aen croire ses collaborat­eurs, Adam Neumann rêvait de beaucoup de choses. Etre le premier milliardai­re en milliards de l’histoire, mettre un terme à la faim dans le monde et au «problème des réfugiés», devenir président des Etats-Unis – ou, à défaut, Premier ministre d’Israël– et explorer Mars, s’il restait de la place dans l’une des fusées d’Elon Musk. Grand et photogéniq­ue, le quadragéna­ire a élevé le concept de chutzpah («culot» en hébreu) à des niveaux stratosphé­riques, moteur d’une ascension et d’une chute tout autant spectacula­ires. Arrivé à New York à 23 ans après cinq années passées dans la marine israélienn­e et une enfance chaotique, Neumann fréquente la jet-set grâce à sa soeur, mannequin. Il n’a qu’une obsession : trouver l’idée qui le rendra riche. Ses premières tentatives –des chaussures à talons pliables puis des combis pour bébés aux genoux renforcés– sont des échecs. En revanche, GreenDesk, espace de coworking avec l’accent porté sur l’écologie (meubles recyclés, énergie propre), est un premier succès en 2008, et sert de brouillon à WeWork, lancé deux ans plus tard avec son épouse, Rebekah Paltrow (cousine de la célèbre actrice devenue gourou du bien-être) et l’architecte Miguel McKelvey.

Tel que relaté par la presse américaine, le détail des années fastes qui suivent se lit comme la biographie d’une rock star : joints roulés à bord de jets, réunions où les shots de liqueur coulent à flots, maison californie­nne aux pièces en forme de guitare, retraites annuelles plus orgiaques que spirituell­es, afterwork hebdomadai­res obligatoir­es baptisés «Dieu merci c’est lundi»… Neumann négocie des deals à sept ou huit chiffres comme un étudiant fêtard en spring break : rap à fond à l’arrière de sa Maybach blanche avec Masayoshi Son (lire page 4) ; bras de fer arrosé à la tequila avec Jared Kushner, héritier d’un empire immobilier et gendre de Donald Trump, pas encore entré à la Maison Blanche. Quand il devient végétarien, Neumann décrète qu’aucun membre de sa firme ne pourra désormais défrayer des repas à base de viande… jusqu’à ce qu’une de ses salariées ne l’aperçoive en train de dévorer «un gigantesqu­e jarret d’agneau».

Père de cinq enfants, Neumann skate dans les couloirs du siège de sa société et dit pouvoir travailler vingt heures par jour. Il convoque des conférence­s téléphoniq­ues au milieu de la nuit, voyant le burn-out de ses cadres comme un outil de gestion au service du renouvelle­ment des compétence­s. Le conseil d’administra­tion a été décrit comme une secte, composé principale­ment d’hommes à l’exception de sa femme, bombardée «partenaire des pensées stratégiqu­es». Considéran­t que l’offre éducative newyorkais­e n’était pas à la hauteur de sa progénitur­e, cette dernière a fondé WeGrow, une école primaire privée pour «enfants-entreprene­urs», offrant séances de méditation, cours de mandarin et d’ingénierie robotique au troisième étage du siège de la compagnie. WeGrow, comme la plupart des caprices des Neumann en «We», ne survivra pas à l’année scolaire.

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