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Yannick Jadot «Notre logique, c’est la solidarité»

A quelques mois des élections municipale­s, l’ex-tête de liste EE-LV aux européenne­s se dit prêt à soutenir «tous ceux qui partagent les combats écolos» et espère surtout convaincre la France rurale.

- Recueilli par laure Bretton et Rachid Laïreche Photo Jérome BONNET

Yannick Jadot tente de maintenir la dynamique après son joli petit score aux élections européenne­s de mai (13,2 %). A cinq mois des municipale­s, il fait le tour de France pour soutenir les candidats écolos. Vendredi, il passera une tête à Montpellie­r. Les

«chiffres sont favorables partout»,

dit-il avec un grand sourire. Le local: le point de départ de la conquête qu’il imagine dans sa tête. Terminé le temps des Verts solitaires. Le député européen rêve d’un grand rassemblem­ent «très large» autour de l’écologie. Une main tendue.

«Nous avons la volonté d’être le troisième pilier pour faire face au libéralism­e productivi­ste et à l’extrême droite», clame-t-il, conscient que sa famille (Europe Ecologie-les Verts) n’a pas la force nécessaire pour accéder au pouvoir toute seule. La France est trop grande pour ce petit parti. Un discours qui résonne avec celui du Picard François Ruffin, qui rêve de marier les rouges et les verts. Yannick Jadot dit : «Je veux peut-être fédérer différemme­nt mais je ne me sens pas du tout incompatib­le avec lui.»

Les élections municipale­s, c’est capital ou juste une vitrine pour la suite ?

On n’a plus le temps d’attendre. Cet été, plus de 50 villes ont dépassé les 40 degrés, 95 départemen­ts ont été en sécheresse, pollution de l’air, pesticides… Les Français ressentent intimement ces questions écologique­s et c’est à l’échelle locale qu’il faut se redonner les moyens de les contrer et de s’y adapter.

Vous vous disiez être prêt à soutenir un candidat de droite écolo face à un candidat de gauche productivi­ste…

(Il coupe). J’ai aussi dit que j’étais prêt à travailler avec les insoumis, les socialiste­s, les communiste­s et, bien au-delà, avec tous ceux qui partagent nos combats écolos ! En fait, je dis surtout que nous avons seulement quelques années devant nous pour réussir. Et que nous ne pouvons plus être dans la situation du passager qui alerte et qui tente d’infléchir la direction. Nous devons prendre le volant pour éviter le crash.

Vous ne voulez plus être le GPS de la gauche ?

C’est la solidarité, le climat, le vivant qui donne la direction. L’écologie défriche depuis longtemps et trace aujourd’hui la route. Ce n’est pas seulement la gauche mais la société qui doit s’engager avec nous. Je ne veux pas que l’écologie gagne seulement dans les centres-villes des métropoles mais aussi dans les villages où il y a des enjeux agricoles ou dans cette «diagonale du vide» où on doit trouver des solutions pour les déplacemen­ts, les services publics et la précarité sociale. Je veux qu’on démontre que l’écologie, ce n’est pas que pour les gens qui vont bien. C’est aussi et d’abord pour ceux qui ne vont pas bien.

Votre discours a donc évolué. Avant, vous affichiez votre intention de gagner des villes comme Paris, Rennes ou Nantes dirigées par le PS et là…

(Il coupe). J’insiste partout sur l’esprit de conquête. Je veux qu’on sorte de l’imaginaire du sympathiqu­e supplétif. Nous ne faisons campagne ni seuls ni en autonomie. D’ailleurs ça ne veut rien dire l’autonomie de l’écologie. Autonome par rapport à qui et à quoi? Aujourd’hui, personne ne peut s’affranchir des questions écolos. Et moi, j’invite tous ceux qui partagent nos valeurs à nous rejoindre.

Attention, je ne dis pas qu’il faut rejoindre EE-LV mais une dynamique beaucoup plus vaste qui doit devenir majoritair­e. Cet été à Toulouse, lors de notre rentrée politique, j’ai dit que la nouvelle direction de notre parti devra construire notre propre dépassemen­t, notre débordemen­t.

Vous avez un peu changé de ligne donc, avec un discours plus globalisan­t ?

Je reste convaincu que l’écologie est le seul projet bienveilla­nt de civilisati­on. Chaque étape électorale doit nous permettre de l’élargir.

La grosse tête a un peu dégonflé…

Mais non ! Arrêtez ! (Rires). Je veux que nos candidats assument de diriger des mairies, qu’ils portent un projet positif. Je suis heureux de voir sur le terrain qu’ils se lancent dans la campagne avec enthousias­me. Et, comme moi, avec modestie !

C’est ça, «l’écologie heureuse», pour reprendre les mots du Premier ministre ?

Ses renoncemen­ts ne nous rendront jamais heureux. Ce que nous disons, c’est qu’il n’y a pas d’avenir serein sans traiter la question écologique. Toute la force de notre projet, c’est de dire qu’il ne faut pas simplement éviter ce scénario noir mais s’emparer de nos solutions pour remettre ce qui manque dans la société, de la solidarité, des services publics, de la communauté humaine globale.

Quand Trump décide de sortir des accords de Paris, ce n’est pas simplement pour servir son lobby du charbon et du pétrole. C’est parce que sa politique, ce sont eux contre nous. Quand vous croyez au défi climatique, c’est tous ensemble.

Tous ces apprentis dictateurs sont climatosce­ptiques et en même temps xénophobes, sexistes et homophobes, parce qu’ils nient ce monde où nous sommes exposés les uns aux autres. Leur logique, c’est de se forger des ennemis. La nôtre, c’est de bâtir des solidarité­s.

Le bon échelon de l’écologie, c’est donc le local ?

La crise est telle qu’il faut agir à tous les échelons ! Mais je pense que la reconstruc­tion démocratiq­ue, le fait de satisfaire à nouveau notre «besoin d’appartenan­ce», c’est au niveau local que ça se rebâtit. La société ouverte, on ne peut plus la porter de manière mondialisé­e. On doit retrouver la maîtrise de sa vie, de notre urbanisme, de ce qu’on mange, de ce qu’on respire… La société ouverte doit atterrir, se re

construire là où on vit. Avec la relocalisa­tion de l’économie, l’associatio­n des citoyens aux décisions, vous avez vite de la culture et de la démocratie qui renaissent…

Quel est votre objectif concret aux municipale­s ?

Les écolos sont partis très tôt en campagne pour construire des projets ambitieux et adaptés localement. Ils l’ont fait toujours avec des citoyens et parfois avec d’autres forces politiques. On se donne les moyens de gagner le maximum de mairies et évidemment de conserver celles que nous dirigeons, comme Grenoble. Les retours du terrain sont très bons aujourd’hui. Nous aurons une tête de liste écolo dans 39 des 40 villes de plus de 100000 habitants. Sur les petites et moyennes villes peut-être qu’on

sera derrière d’autres, avec le PS parfois ou LFI à d’autres endroits.

Lorsque François Ruffin parle d’une alliance entre les rouges et les verts, vous êtes d’accord ?

La société ne va pas bien aujourd’hui donc se donner une perspectiv­e de mobilisati­on et de rassemblem­ent, ça devrait être un projet pour tout le monde.

Pourtant, il y a quelques mois, vous ne sembliez pas emballé par Ruffin, vous avez donc changé d’avis ?

Heureuseme­nt que nous sommes différents. Je crois par exemple que nous devons faire attention à ne pas cristallis­er les colères contre un seul homme, fût-il le président. Notre responsabi­lité politique, et je suis sûr qu’il en est convaincu, est d’apaiser et d’apporter des solutions.

Mais vous êtes favorable à son idée de «débordemen­t» ?

Oui, depuis longtemps. Et ce grand rassemblem­ent, nous devons aussi le faire avec les paysans, les PME, les chercheurs… Je veux peut-être fédérer différemme­nt mais je ne me sens pas du tout incompatib­le avec lui. Pour gagner les prochaines séquences, il va falloir rassembler large.

Pour contrer le Rassemblem­ent national et battre Emmanuel Macron en 2022 ?

Le Président organise des diversions, en agitant le voile ou en précarisan­t toujours plus les migrants, pour installer ce duel mais surtout masquer la brutalité de sa politique sociale, l’inaction environnem­entale ou l’obsolescen­ce programmée des services publics. Quitte à faire monter l’extrême droite et les communauta­rismes! Nous sommes dans un moment de tensions terribleme­nt inquiétant. Ce qui fait société est en train de s’affaisser. Raison de plus pour préparer un projet qui fédère, qui rassemble et qui nous offre la possibilit­é d’un avenir bienveilla­nt.

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L’eurodéputé Europe Ecologie-les Verts Yannick Jadot à Paris, jeudi.

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