«conduire un train jusqu’à 64 ans est impossible»
Karen Marquez, 41 ans, conductrice RATP, dix-neuf ans d’ancienneté
«Quand je suis rentrée en tant que conductrice de métro, je devais partir à la retraite à 50 ans, après vingt-cinq ans de service. Avec les réformes successives, c’est désormais 52 ans avec vingt-sept ans de service. On bénéficie d’autre chose : ce sont les six derniers mois de salaire qui comptent pour le calcul de la retraite, parce qu’on n’a pas de rémunération qui augmente de façon aussi exponentielle que dans le privé et qu’on n’a pas de complémentaire. On a beaucoup de primes, notamment à la conduite, mais elles ne sont pas prises en compte alors qu’elles représentent un quart ou un cinquième de notre salaire. Mais il faut bien faire le distinguo : les 50 000 agents de la RATP n’ont pas un régime particulier ; nous, les catégories spécifiques à la conduite, en bénéficions notamment en raison de la pénibilité.
«Depuis mon entrée à la RATP, je travaille sur les trois horaires de service, soit le matin très tôt, soit la nuit, soit l’après-midi. On alterne toutes les semaines, ça fatigue énormément. Des week-ends, on en a un toutes les cinq semaines. Le fait d’évoluer dans un tunnel sans lumière du soleil, ça met un coup aussi. La pollution qu’on respire rend les choses difficiles. Avec ce qui est annoncé dans le rapport Delevoye, demain je travaillerai douze ans de plus qu’aujourd’hui, pour partir à 64 ans. Ce qui m’énerve, c’est qu’on pointe ce que les autres ont en plus plutôt que d’en demander. Honnêtement, conduire un train jusqu’à 64 ans, ce n’est pas possible pour moi, ne serait-ce que pour une question de sécurité. Il faut être en parfaite forme physique, on est soumis à de nombreux contrôles. Ça me semble compliqué de continuer à l’être à plus de 60 ans. Ce qui génère beaucoup d’angoisse aussi, c’est la portabilité de notre régime spécial. Comment seront considérées nos années de cotisation jusqu’au basculement dans le nouveau régime en 2024 ? On est encore dans le flou…»