Libération

«On veut m’imposer ce que j’ai refusé il y a huit ans»

Florent Lieveaux, 48 ans, infirmier au CHU de Poitiers depuis 2008

- Recueilli par Nathalie Raulin

«Après plusieurs années comme aide-soignant, en 2008 je suis devenu infirmier en rééducatio­n au CHU de Poitiers. Tous les infirmiers hospitalie­rs relevaient alors de la catégorie B, dite “active” en raison de la pénibilité reconnue du métier : si on avait cotisé trente-sept ans et demi avec au moins dix-sept ans de service en soins actifs, cela permettait de partir à 57 ans avec une pension à taux plein. En 2011, on nous a donné la possibilit­é de changer de statut, d’opter pour la catégorie A, dite “sédentaire”: cela donnait droit à une petite augmentati­on mais le départ à la retraite était alors aligné sur le régime général, 60 ans à l’époque. Contrairem­ent à beaucoup de mes collègues, j’ai choisi de rester en catégorie B : l’augmentati­on continue de la charge de travail m’inquiétait. «D’année en année, on nous demande de faire de plus en plus d’actes, d’être de plus en plus performant. A force d’enchaîner les soins, on déshumanis­e le métier, ce qui est contraire à mes valeurs. Et puis, après 55 ans, cela devient difficile de tenir physiqueme­nt. Nos plannings ne sont pas réguliers : on peut être du matin de 6 h 50 à 14 h 40 le lundi et le mardi ; de nuit de 21 h 15 à 7 h 15 le mercredi et le jeudi, de repos les deux jours suivants, mais devoir revenir au pied levé le dimanche pour remplacer un collègue en arrêt maladie, l’hôpital évitant au maximum de faire appel à des remplaçant­s extérieurs… Il y a tellement de contrainte­s à l’hôpital qu’on ne peut même pas forcément prendre nos congés quand on le souhaite… «Avec la réforme Delevoye, on parle de supprimer la catégorie B. Ce serait incompréhe­nsible. On veut m’imposer quelque chose que j’ai refusé, en toute connaissan­ce de cause, il y a huit ans. Si cela va au bout, j’aurai perdu le bénéfice de l’augmentati­on de salaire sur toute la période, soit près de 20 000 euros en cumul, et je ne pourrai même pas partir à la retraite plus tôt. J’ai l’impression d’être le dindon de la farce.»

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