Terrorisme : Lafarge échappe à la «complicité de crime contre l’humanité»
C’est a minima un revers. Peut-être même un tournant. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a annulé jeudi la mise en examen de la société Lafarge pour «complicité de crimes contre l’humanité» dans le cadre de l’enquête visant ses activités en Syrie entre 2011 et 2015. Cette mise en examen, décidée en juin 2018 et historique pour une multinationale, était depuis contestée par les avocats du cimentier.
Les magistrats ont cependant confirmé la mise en examen de Lafarge et de plusieurs de ses dirigeants pour «financement de terrorisme» ou «mise en danger délibérée de la vie d’autrui».
Le 24 octobre, la constitution de partie civile de l’association Sherpa avait par ailleurs été annulée. Or cette ONG anticorruption avait fourni, à l’appui de sa plainte contre le cimentier, une note juridique étayée. «Comment Lafarge pouvaitelle ignorer que la fourniture de ciment à Daech contribuerait à la construction des routes et des bâtiments permettant la commission des crimes contre l’humanité ?»
s’interrogeait alors Sherpa. L’ONG a désormais perdu son accès au dossier et sa capacité à demander des actes et va se pourvoir en cassation. Pour Lafarge, c’est une victoire judiciaire après trois ans d’une enquête accablante. La multinationale –qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim – est mise en cause pour avoir financé plusieurs groupes armés, dont l’Etat islamique (EI), afin de maintenir son activité en Syrie pendant la guerre.
Depuis le début de l’enquête, les juges d’instruction sont parvenus à remonter la piste de quatre types de flux financiers reliant Lafarge aux groupes armés. Le premier concernait les sommes fixes payées par l’entreprise pour permettre le franchissement des différents checkpoints sur les routes. Le deuxième est une commission proportionnelle intégrée dans les prix de vente, destinée à compenser les bakchichs imposés par les groupes armés aux transporteurs. Il y a ensuite les achats de matières premières à des fournisseurs liés à l’EI. Enfin, les enquêteurs s’intéressent à des ventes directes de ciment au groupe terroriste. Ainsi, jusqu’à fin 2015, soit après les attentats de janvier et de novembre, Lafarge a maintenu ses liens avec un revendeur possédant «de bonnes relations avec l’EI», comme le spécifient des documents internes à l’entreprise.