Libération

Benalla, une promo aux allures de précampagn­e

- P.Av. D.Pe. Emmanuel Fansten

Jugée ridicule il y a encore quelques semaines, l’hypothèse d’une candidatur­e d’Alexandre Benalla aux municipale­s à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) apparaît chaque jour un peu moins fantaisist­e. Surfant sur la sortie surprise, jeudi, de son livre-confession, Ce qu’ils ne veulent pas que je dise (Plon), l’ex-garde du corps de Macron multiplie les entretiens tonitruant­s avec les médias, convaincu de pouvoir transforme­r la promo de son ouvrage en précampagn­e. Selon son entourage, une trentaine de volontaire­s seraient déjà à pied d’oeuvre à Saint-Denis. «La principale difficulté va être de composer une liste équilibrée», admet un proche de Benalla, qui estime que 30 000 euros suffiront à mener campagne. A ce prix, Benalla pense que sa candidatur­e, qui pourrait être officialis­ée en janvier, va provoquer un «effet de souffle». La sortie du livre, tiré à 60000 exemplaire­s, a été minutieuse­ment verrouillé­e. Moins de 5 personnes étaient informées de sa publicatio­n, fabricant compris. L’autoprocla­mé «homme à abattre» y raconte son enfance, ses mois d’errance dans des foyers avec sa mère, ses premiers pas dans la sécurité, son recrutemen­t pour la présidenti­elle, son ascension à l’Elysée, sa chute. Il reconnaît des «erreurs» mais dit avoir le «dos bien large». Pour lui, la morale de sa disgrâce est limpide: «Si tu ne sors pas de l’ENA, n’essaie pas d’entrer dans les palais de la République. Car même si tu y parviens, on te le fera payer.» Derrière ce «on» aux accents complotist­es, Benalla vise les

«technocrat­es» peuplant la haute administra­tion, ces

«hommes en gris tapis dans l’ombre», au premier rang desquels Patrick Strzoda, terne directeur de cabinet de Macron.

Mais Benalla a beau promettre toute la «vérité» en couverture de son livre, il n’en reste pas moins évasif sur des sujets sensibles. Comme le contrat de sécurité russe qu’il aurait négocié avec l’oligarque Iskander Makhmudov alors qu’il était encore à l’Elysée, et sur lequel enquête le Parquet national financier.

«Il n’y a pas de “contrats russes”, pas d’interféren­ces élyséennes, pas de comptes en Suisse. Juste des affaires licites et transparen­tes, avec des montages imposés par la pression médiatique et les procédures judiciaire­s», affirmet-il, sans s’expliquer sur son rôle dans les négociatio­ns, sinon pour le minorer. Même flou autour du coffrefort disparu avant la perquisiti­on de son domicile en juillet 2018. Après avoir évoqué en garde à vue l’appui d’un ami, Benalla évoque désormais l’interventi­on de plusieurs personnes dans le déplacemen­t du coffre, qui ne contenait selon lui que des armes. «J’ai demandé à des amis de le mettre en sécurité par crainte d’un “cambriolag­e”», écrit-il. Avant de préciser, sans rire, avoir ensuite donné le coffre à un autre «copain, qui l’utilise pour son propre usage». Même ses proches ne semblent pas y croire. Visé par cinq procédures et déjà multi-mis en examen, Benalla n’a pas encore été entendu dans ce volet du dossier. Mais il pourrait bien tenter de profiter du calendrier politique pour bousculer le calendrier judiciaire.

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