Benalla, une promo aux allures de précampagne
Jugée ridicule il y a encore quelques semaines, l’hypothèse d’une candidature d’Alexandre Benalla aux municipales à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) apparaît chaque jour un peu moins fantaisiste. Surfant sur la sortie surprise, jeudi, de son livre-confession, Ce qu’ils ne veulent pas que je dise (Plon), l’ex-garde du corps de Macron multiplie les entretiens tonitruants avec les médias, convaincu de pouvoir transformer la promo de son ouvrage en précampagne. Selon son entourage, une trentaine de volontaires seraient déjà à pied d’oeuvre à Saint-Denis. «La principale difficulté va être de composer une liste équilibrée», admet un proche de Benalla, qui estime que 30 000 euros suffiront à mener campagne. A ce prix, Benalla pense que sa candidature, qui pourrait être officialisée en janvier, va provoquer un «effet de souffle». La sortie du livre, tiré à 60000 exemplaires, a été minutieusement verrouillée. Moins de 5 personnes étaient informées de sa publication, fabricant compris. L’autoproclamé «homme à abattre» y raconte son enfance, ses mois d’errance dans des foyers avec sa mère, ses premiers pas dans la sécurité, son recrutement pour la présidentielle, son ascension à l’Elysée, sa chute. Il reconnaît des «erreurs» mais dit avoir le «dos bien large». Pour lui, la morale de sa disgrâce est limpide: «Si tu ne sors pas de l’ENA, n’essaie pas d’entrer dans les palais de la République. Car même si tu y parviens, on te le fera payer.» Derrière ce «on» aux accents complotistes, Benalla vise les
«technocrates» peuplant la haute administration, ces
«hommes en gris tapis dans l’ombre», au premier rang desquels Patrick Strzoda, terne directeur de cabinet de Macron.
Mais Benalla a beau promettre toute la «vérité» en couverture de son livre, il n’en reste pas moins évasif sur des sujets sensibles. Comme le contrat de sécurité russe qu’il aurait négocié avec l’oligarque Iskander Makhmudov alors qu’il était encore à l’Elysée, et sur lequel enquête le Parquet national financier.
«Il n’y a pas de “contrats russes”, pas d’interférences élyséennes, pas de comptes en Suisse. Juste des affaires licites et transparentes, avec des montages imposés par la pression médiatique et les procédures judiciaires», affirmet-il, sans s’expliquer sur son rôle dans les négociations, sinon pour le minorer. Même flou autour du coffrefort disparu avant la perquisition de son domicile en juillet 2018. Après avoir évoqué en garde à vue l’appui d’un ami, Benalla évoque désormais l’intervention de plusieurs personnes dans le déplacement du coffre, qui ne contenait selon lui que des armes. «J’ai demandé à des amis de le mettre en sécurité par crainte d’un “cambriolage”», écrit-il. Avant de préciser, sans rire, avoir ensuite donné le coffre à un autre «copain, qui l’utilise pour son propre usage». Même ses proches ne semblent pas y croire. Visé par cinq procédures et déjà multi-mis en examen, Benalla n’a pas encore été entendu dans ce volet du dossier. Mais il pourrait bien tenter de profiter du calendrier politique pour bousculer le calendrier judiciaire.