Les Grands
«Vous en connaissez beaucoup, vous, des potes de collège qui sont restés amis au lycée? Demandez à vos parents: les gens se séparent…» Entre lucidité abrupte et lyrisme larvé dispensés parmi des êtres avachis dans des couloirs de lycée, bienvenue chez les Grands, lumineuse série ado qui entame sa troisième et ultime saison, confirmant le statut de laboratoire du format vingt-six minutes des séries OCS Signature, comme Missions, ou Irresponsable – qui lancera aussi sa troisième saison début décembre. Ils sont trois filles et trois garçons, maladroits, touchants, irritants. On les a connus en classe de troisième, alors qu’ils savouraient, pour la première fois, le privilège d’être les «grands» du collège. On les a ensuite suivis en seconde, au gré de leurs circonvolutions sentimentales, amicales, identitaires toujours fluctuantes et en perpétuelle reconfiguration. On les retrouve à présent en terminale : le temps des adieux est proche, mais leur fusion n’a jamais été aussi totale.
Cette saison, on ne cesse de leur répéter que leur avenir se joue maintenant. D’où un sentiment persistant, malgré les soirées de beuveries et les rigolades, que les choses sont ici vécues pour la dernière fois, dans un temps, l’adolescence, où tout se joue aussi pour la première fois. Cet écartèlement permanent fait vibrer souterrainement la surface de ces visages juvéniles avec un éclat particulier, entre deux bonnes grosses vannes potaches – tradition du genre oblige, des films de John Hughes à la série Freaks and Geeks.
«Meuf».
La troupe de jeunes acteurs, tous incroyables, organiquement liés à leurs personnages, est pour beaucoup dans l’attachement que l’on peut avoir aux Grands –cette sensation, un peu perdue dans les séries contemporaines, qu’on les «connaît» et qu’on les a vus grandir. Plus que les péripéties véritables de la fiction (et il y en a!), c’est de les regarder évoluer, interagir ensemble, et surtout se parler, qui fait beaucoup dans l’attraction ressentie pour Boogie, MJ, Hugo, Avril et les autres. Car leur usage du langage, ponctué de «gros», «meuf», «frère», fascine par sa vérité documentaire – même si le showrunner et réalisateur Vianney Lebasque nous assure que les dialogues sont bien écrits (généralement avec le coauteur Victor Rodenbach), mais rediscutés ensuite avec les acteurs pour aboutir à leur forme idéale. Entourés de personnages d’adultes un peu perchés (un prof à la diction particulière, un duo de tenanciers de camion pizza, un proviseur devenu père de rêve pour tout le groupe), ils semblent donc évoluer en toute liberté, lors des moments de décrochages burlesques ménagés en épilogue, ou alors tout simplement quand un rayon de soleil couchant s’attarde sur le regard pensif de l’une d’entre eux. Il y a dans les Grands cette sensation d’air qui circule, de liberté, ainsi qu’une manière d’attachement sentimental à son sujet rappelant un peu les jeunes texans désemparés de Friday Night Lights, série qui avait aussi fait de son peu de moyens un argument pour aimer encore plus ses personnages.
Car il faut préciser que les Grands est faite dans des conditions ultra-restreintes. Le budget par épisode de 150000 euros représente environ trois fois moins que celui d’une série saison 3 sur OCS Max. Saisons 1 et 2 disponibles.