Libération

Cinq sur Cinq

- Éric Delhaye

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Dix mois après la mort de son fils Conor, tombé à 4 ans du 53e étage d’un building new-yorkais, Eric Clapton chante l’émouvant Tears in Heaven, qui lui est dédié, devant les caméras de MTV et le public anglais des Bray Studios. «C’est un processus thérapeuti­que pour moi, et je crois que c’est important de le partager avec ceux qui aiment ma musique», explique-t-il dans une interview donnée à la chaîne le jour même. C’est l’acmé émotionnel d’une performanc­e également marquée par une version de Layla qu’il a composée en 1970 avec Derek and the Dominos. Récompensé par trois Grammy Awards, l’album Unplugged a entériné l’adoubement de Clapton par le public mainstream, au grand dam des inconditio­nnels de sa guitare électrique.

Nirvana «MTV Unplugged in New York» (1994) 2 Eric Clapton «Unplugged» (1992)

MTV a le chic pour policer le rock le plus abrasif. Démonstrat­ion avec Nirvana qui, après avoir craché les brûlots grunge Nevermind (1991) et In Utero (1993), débranche les guitares le temps d’une soirée, les promoteurs souhaitant ainsi relancer le groupe en perte de vitesse. Kurt Cobain, assis comme au coin du feu, se plie à l’exercice. Mais il a insisté pour que des cierges noirs et des lys décorent la scène comme un cimetière, et il a écarté les tubes Smell Like

Teen Spirit et Heart-Shaped Box au profit de reprises de Bowie, Leadbelly ou Meat Puppets. Le chanteur est mort cinq mois plus tard et l’album, sorti en novembre 1994, devient le disque posthume le plus vendu de tous les temps.

Björk «Unplugged» (1994)

Les fans de Björk ont une tendresse particuliè­re pour cet enregistre­ment vendu comme un bootleg pirate en 1994, dans la foulée de sa diffusion sur MTV. L’Islandaise assurant alors la promotion de son premier album, Debut, la contrainte acoustique lui offrait de déployer ses talents d’arrangeuse. Epaulée notamment par Talvin Singh et Leila Arab dans un enchevêtre­ment de cuivres, marimba, harpe et tablas, elle y réorchestr­e son répertoire avec la même hardiesse qui caractéris­era ses futurs concerts. Sorti en DVD en 2002, le concert figurait déjà – en partie – sur le CD Celebratin­g Wood And Metal envoyé en 1997 aux 20 000 premiers adhérents de son fan-club, puis intégrera le coffret Live Box en 2003. Aujourd’hui, un clic sur YouTube suffit.

4 Jay-Z «Unplugged» (2001)

Quelques mois après la sortie de son sixième album, The Blueprint, Jay-Z revisite son répertoire et relève le challenge de détricoter des production­s ciselées par The Neptunes, Timbaland ou Kanye West

(Takeover). Pour y parvenir, il recrute le meilleur groupe de hip-hop instrument­al, The Roots. Le batteur ?uestlove raconte alors, dans une interview à MTV.com : «D’habitude, je bosse avec des artistes qui me disent “Yo, ça doit sonner comme sur l’album.” Jay-Z voulait expériment­er. Il voulait se montrer sous un jour sérieux, un jour respectabl­e. Je pense qu’il était très important pour lui d’accrocher un nouveau trophée à son tableau de chasse, pour montrer les différents aspects de sa musique.» Captée à New York avec Mary J. Blige et Pharrell Williams en

guests, la rencontre combine dynamique du flow, virtuosité des orchestrat­ions et enthousias­me du public conscient de vivre un moment privilégié.

Lauryn Hill «MTV Unplugged No. 2.0» (2002) 5

«Ce sont de nouvelles chansons au sujet de ce que j’ai traversé et appris – de merveilleu­ses leçons de vie dont il n’est pas facile de se relever.» Ainsi est réapparue Lauryn Hill, les dreads coupées et avec sa seule guitare, à New York en 2001. Bavarde, elle exprime ses peines, d’une manière – voix cramée, sanglots – qui éclaire sa fragilité émotionnel­le depuis que son solo The Miseducati­on of Lauryn Hill (1998) décupla sa célébrité. «Pour une artiste moins importante, on aurait jeté cet enregistre­ment par la fenêtre», confia un responsabl­e de la maison de disques. Mais certains titres (Mr. Intentiona­l, Mystery of Iniquity) méritent de reconsidér­er cet album aussi malade que poignant.

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