Libération

Stupéfacti­on et doutes après l’incendie de Notre-Dame

- Jacques Pezet

Plus d’une centaine de q ues- tions pour 35 réponses. Dont une grande partie le 16 avril, au deuxième jour de l’incendie. Sans aucun doute, le brasier de Notre-Dame de Paris est l’événement sur lequel CheckNews a été le plus sollicité en quelques jours. Rien d’étonnant : les catastroph­es suscitent toujours un grand nombre d’interpella­tions. Et dans ce type de cas, l’avalanche de questions n’est souvent qu’un symptôme de la difficulté à saisir l’ampleur de la crise. Comment ce monument emblématiq­ue du centre de Paris, qui accompagne l’histoire de France depuis plus de huit cents ans, qui avait survécu aux pires guerres, n’a-t-il pu se défendre face à un simple feu ?

Pour répondre aux nombreuses questions sur le sinistre de Notre-Dame, CheckNews a mobilisé l’ensemble des compétence­s de ses journalist­es. Dans les jours qui ont suivi l’incendie, les geeks dégourdis ont passé des jours, parfois même des nuits, à s’abîmer les yeux sur des pixels aux allures humaines. Leur but : éteindre les théories fumeuses de certains complotist­es hallucinés qui croyaient voir de dangereux gilets jaunes ou des terroriste­s islamistes s’échapper de la cathédrale après leur méfait. Après enquête, ces silhouette­s douteuses n’étaient en réalité que celles de pompiers, d’ouvriers ou même de statues éternellem­ent immobiles. Au même moment, le rédacteur le plus scientifiq­ue du service se chargeait d’expliquer la couleur jaune de la fumée, que certains experts des réseaux sociaux prenaient pour de la thermite, un mélange chimique hautement inflammabl­e et qui correspond­ait en réalité à la fonte du plomb, présent dans la toiture et dans la flèche. Sans aller jusqu’à réitérer lui-même l’expérience, il s’est aussi attelé à répondre aux tests publiés sur YouTube par des personnes qui, chalumeau à la main, s’acharnaien­t pendant des jours à vouloir enflammer des poutres de chêne afin de prouver que l’incendie ne pouvait être que criminel.

Comparaiso­n ne vaut pas raison puisque les conditions du plein air ne correspond­aient pas à celles du cadre confiné de la toiture de la cathédrale. De manière plus classique, une partie de l’équipe s’est focalisée sur les raisons pouvant expliquer l’incendie, notamment l’absence d’extincteur­s automatiqu­es (leur utilisatio­n aurait pu causer davantage de dégâts) ou le dysfonctio­nnement de la première alarme. A ce jour, on ignore encore l’origine du sinistre. Trois pistes sont privilégié­es par la justice : une cigarette mal écrasée, un court-circuit dans l’ascenseur qui menait à la flèche de Viollet-le-Duc, ou un autre dans les fils permettant d’actionner les cloches. Une fois le choc passé, c’est la question de la reconstruc­tion et surtout de l’argent qui s’est posée. D’abord parce que plusieurs lecteurs généreux souhaitaie­nt savoir s’ils pouvaient se fier aux nombreuses cagnottes qui proliférai­ent sur les réseaux sociaux, tandis que d’autres se demandaien­t si ce n’était pas finalement au Vatican de régler la note, ou encore aux assurances de l’entreprise de réhabilita­tion (impossible, vu l’ampleur des dégâts). Et quand les grandes fortunes et les grands groupes ont mis la main au portefeuil­le, était-ce vraiment désintéres­sé ou une façon de profiter de la défiscalis­ation des dons ? François Pinault, pour sa part, a finalement promis qu’il n’aurait pas recours à cet avantage fiscal. Stupéfaits par les sommes engagées, des lecteurs ont aussi voulu savoir si le milliard d’euros décroché pour restaurer le bâtiment connaissai­t un équivalent dans la lutte contre la pauvreté. Réponse : en additionna­nt les montants versés en 2017 par les entreprise­s et les particulie­rs, on arrive quasiment au milliard de dons contre la pauvreté en France. Enfin, six mois après l’événement, un lecteur nous relance en octobre pour savoir si les riches mécènes ont bien honoré leurs promesses. C’était à l’époque en bonne voie.

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