Libération

CheckNews.fr

Attaque de la Pitié-Salpêtrièr­e à Paris : le mensonge de Castaner

- Fabien Leboucq

«“Attaque” de la Pitié-Salpêtrièr­e : La fake news

venait de l’Intérieur», pouvait-on lire à la une de

Libération le 3 mai. Il n’est pas courant qu’un quotidien affiche du fact-checking en première page. Mais parfois, l’intox est si grosse qu’il est nécessaire de mettre en avant ce travail de remise à plat des faits. C’est ainsi que ces lignes se sont invitées en tête de ce numéro printanier du journal :

«Non, contrairem­ent à ce qu’a affirmé Christophe Castaner, l’hôpital parisien n’a pas été pris d’assaut et dégradé par des manifestan­ts.»

Le gouverneme­nt craignait la mobilisati­on du 1er Mai. Six mois après le début du mouvement des gilets jaunes, que donnerait la rencontre entre la France des ronds-points, celle des syndicats, et une poignée de militants habitués du black bloc ? Au soir du 1er mai, et malgré un cortège parisien finalement assez calme, Christophe Castaner balance sur Twitter : «Ici à la Pitié-Salpêtrièr­e, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant.» Dans la foulée, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, l’assure sur un plateau télé : «C’est la première fois qu’un hôpital est attaqué en France lors d’une manifestat­ion.» Et ainsi de suite. Les médias embrayent à leur tour.

Il faut attendre le lendemain pour que des voix dissonante­s aient droit de cité. Des médias interrogen­t, à leur sortie de garde, des membres du personnel de la Pitié-Salpêtrièr­e. Leurs réponses sont loin du récit anxiogène de l’exécutif. Dès ces prises de parole, le 2 mai au matin, un tombereau de questions arrive à CheckNews : des internaute­s nous demandent d’arbitrer entre les différente­s visions de l’événement. On commence par appeler le personnel hospitalie­r, rechercher des photos et des vidéos en ligne, et contacter des manifestan­ts présents. Rapidement, nous avons assez d’éléments pour battre en brèche la thèse de l’«attaque» avancée par Castaner : il n’y a pas eu de dégradatio­n à l’intérieur de l’hôpital par les manifestan­ts (un portail d’entrée a en revanche été brisé à l’extérieur), pas d’agression du personnel, et les encagoulés violents annoncés n’étaient en fait que des manifestan­ts cherchant une échappatoi­re aux gaz lacrymogèn­es. Décision est prise avec le reste du journal que notre enquête fera l’«événement» du lendemain. C’est ainsi qu’on appelle, à Libé, l’ensemble composé des premières pages du journal. Branle-bas de combat au service – car il reste peu de temps avant le bouclage – qui se mobilise presque entièremen­t et exclusivem­ent sur le sujet. Trois journalist­es déroulent dans un papier-fleuve les faits du 1er mai et démontrent l’inexactitu­de des propos du ministre de l’Intérieur. Un autre raconte la circulatio­n médiatique de la fausse informatio­n. Un cinquième rappelle le précédent emballemen­t autour de la fausse attaque de l’hôpital Necker, en juin 2016. Les autres services du journal sont mis à contributi­on pour compléter l’ensemble : dispositif de sécurité du 1er mai, interview du patron de la CGT, réactions politiques, etc. Quelques heures après l’arrivée de ce numéro de Libé dans les kiosques, c’est un Castaner droit dans ses bottes qu’on entend reconnaîtr­e en conférence de presse, suite à ce qu’il qualifie de «polémique absurde», qu’il n’aurait «pas dû» utiliser le mot «attaque».

Newspapers in French

Newspapers from France