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Attaque de la Pitié-Salpêtrière à Paris : le mensonge de Castaner
«“Attaque” de la Pitié-Salpêtrière : La fake news
venait de l’Intérieur», pouvait-on lire à la une de
Libération le 3 mai. Il n’est pas courant qu’un quotidien affiche du fact-checking en première page. Mais parfois, l’intox est si grosse qu’il est nécessaire de mettre en avant ce travail de remise à plat des faits. C’est ainsi que ces lignes se sont invitées en tête de ce numéro printanier du journal :
«Non, contrairement à ce qu’a affirmé Christophe Castaner, l’hôpital parisien n’a pas été pris d’assaut et dégradé par des manifestants.»
Le gouvernement craignait la mobilisation du 1er Mai. Six mois après le début du mouvement des gilets jaunes, que donnerait la rencontre entre la France des ronds-points, celle des syndicats, et une poignée de militants habitués du black bloc ? Au soir du 1er mai, et malgré un cortège parisien finalement assez calme, Christophe Castaner balance sur Twitter : «Ici à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant.» Dans la foulée, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, l’assure sur un plateau télé : «C’est la première fois qu’un hôpital est attaqué en France lors d’une manifestation.» Et ainsi de suite. Les médias embrayent à leur tour.
Il faut attendre le lendemain pour que des voix dissonantes aient droit de cité. Des médias interrogent, à leur sortie de garde, des membres du personnel de la Pitié-Salpêtrière. Leurs réponses sont loin du récit anxiogène de l’exécutif. Dès ces prises de parole, le 2 mai au matin, un tombereau de questions arrive à CheckNews : des internautes nous demandent d’arbitrer entre les différentes visions de l’événement. On commence par appeler le personnel hospitalier, rechercher des photos et des vidéos en ligne, et contacter des manifestants présents. Rapidement, nous avons assez d’éléments pour battre en brèche la thèse de l’«attaque» avancée par Castaner : il n’y a pas eu de dégradation à l’intérieur de l’hôpital par les manifestants (un portail d’entrée a en revanche été brisé à l’extérieur), pas d’agression du personnel, et les encagoulés violents annoncés n’étaient en fait que des manifestants cherchant une échappatoire aux gaz lacrymogènes. Décision est prise avec le reste du journal que notre enquête fera l’«événement» du lendemain. C’est ainsi qu’on appelle, à Libé, l’ensemble composé des premières pages du journal. Branle-bas de combat au service – car il reste peu de temps avant le bouclage – qui se mobilise presque entièrement et exclusivement sur le sujet. Trois journalistes déroulent dans un papier-fleuve les faits du 1er mai et démontrent l’inexactitude des propos du ministre de l’Intérieur. Un autre raconte la circulation médiatique de la fausse information. Un cinquième rappelle le précédent emballement autour de la fausse attaque de l’hôpital Necker, en juin 2016. Les autres services du journal sont mis à contribution pour compléter l’ensemble : dispositif de sécurité du 1er mai, interview du patron de la CGT, réactions politiques, etc. Quelques heures après l’arrivée de ce numéro de Libé dans les kiosques, c’est un Castaner droit dans ses bottes qu’on entend reconnaître en conférence de presse, suite à ce qu’il qualifie de «polémique absurde», qu’il n’aurait «pas dû» utiliser le mot «attaque».