Libération

Quand «CheckNews» répond aux questions sur «Libération»

Le service est fréquemmen­t interrogé sur son propre journal. L’occasion d’un exercice de transparen­ce parfois délicat.

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La tendance se confirme. Depuis le lancement de notre plateforme, le nombre de questions concernant le journal – son fonctionne­ment, ses choix éditoriaux – ne faiblit pas. C’est donc devenu une règle d’or au sein du service CheckNews : lorsque nous recevons une question sur Libé, et qu’elle se pose vraiment, nous y répondons, endossant par la même occasion le rôle de «médiateur» officieux. Nous considéron­s qu’éclairer les gens sur la façon dont fonctionne un journal – et le nôtre en particulie­r – est essentiel. Et qu’un peu d’introspect­ion ne peut pas faire de mal, à une époque où il est répété à l’envi que le lien entre les journalist­es et le public est rompu. Voilà pourquoi nous répondons à vos demandes sur Libé, en toute transparen­ce, même lorsqu’il s’agit d’appuyer là où ça fait mal. 2019 n’y a pas fait exception.

Secousses.

Ainsi, début février, lorsqu’une question nous a été posée sur la ligue du LOL, c’est tout naturellem­ent que nous nous sommes emparés de cette affaire, dont nous ignorions tout à l’époque. Et dont il était difficile – pour ne pas dire impossible – d’imaginer les conséquenc­es. Pour rappel, l’article tentait d’expliquer ce qu’était la Ligue du LOL, un groupe Facebook créé en 2010. Et comment celui-ci avait pu favoriser le cyberharcè­lement de plusieurs personnes sur Twitter – majoritair­ement des femmes. La publicatio­n du papier a entraîné d’intenses secousses médiatique­s, et provoqué le licencieme­nt de plusieurs personnes, dont deux journalist­es de Libération, Vincent Glad et Alexandre Hervaud, qui faisaient partie du groupe en question. Si l’on peut nous faire un procès en naïveté, celui de n’avoir pas vu venir le séisme qui a alors secoué la presse française, reste que nous avons traité ce sujet comme n’importe quel autre : en toute transparen­ce, et en donnant la parole à toutes les parties. L’épisode a laissé des traces au sein de la rédaction.

Si nos autres réponses sur Libé n’ont, heureuseme­nt, pas eu le même écho médiatique, toutes s’inscrivent dans une même démarche : s’interroger, le plus sincèremen­t possible, sur le journal que nous représento­ns. En avril, CheckNews est ainsi parti consulter l’ensemble de la rédaction pour répondre à la question suivante: «Tous les journalist­es de Libération sont-ils enfants de CSP+?» En plein mouvement des gilets jaunes, l’uniformité sociale et culturelle de la presse revenait alors comme un mantra pour expliquer la difficulté, pour certains, de comprendre ce soulèvemen­t populaire. Alors oui, à Libération, la majorité des journalist­es ont des parents de catégorie socioprofe­ssionnelle supérieure, et sont donc nés avec un capital social et culturel plus élevé. Cela est-il un problème en soi ? Le débat a divisé notre rédaction en deux. Pour résumer grossièrem­ent: d’un côté, ceux qui estiment, comme Philippe Lançon ou Laurent Joffrin, que les journalist­es doivent pouvoir parler de tous les groupes sociaux, même (surtout ?) ceux dont ils ne sont pas issus. De l’autre, ceux qui estiment que la vie personnell­e forge une vision du monde et que les victimes d’inégalités dans leurs parcours de vie sont plus à mêmes de les comprendre en tant que journalist­es. Le débat n’est pas clos mais, une fois l’état des lieux réalisé, la réflexion s’est amorcée.

Comme l’an dernier, nous sommes également allés toquer plusieurs fois à la porte de notre directeur de publicatio­n, Laurent Joffrin, pour lui soumettre les questions que vous nous aviez posées. Il y a à chaque fois répondu, même lorsqu’il ne jugeait pas, à première vue, l’interrogat­ion pertinente. Comme lorsqu’un internaute nous a demandé si sa participat­ion à une croisière en Méditerran­ée n’entrait pas en contradict­ion avec un numéro de Libération justement consacré à l’impact écologique des navires de croisière. Le sujet n’avait pas seulement intrigué un internaute, il avait également suscité les interrogat­ions de la société des journalist­es et personnels de Libération. Au final, Laurent Joffrin a renoncé à cette croisière.

Nécros.

Il arrive aussi qu’un évènement d’actualité nous permette d’expliquer les coulisses du journal. La mort de Jacques Chirac nous a ainsi amenés à nous pencher sur l’art délicat de la nécrologie. Sontelles écrites à l’avance ? Combien

Libé en a en stock ? L’exercice est-il plus difficile qu’un autre ? On a ainsi appris, grâce à cette petite enquête, que toutes les personnes qui avaient préparé l’événement sur Chirac avaient depuis quitté le journal. Mais aussi que la très grande majorité des nécrologie­s ne sont pas écrites à l’avance. Autre motif d’étonnement : les 32 pages du journal sur David Bowie, par exemple, ont été écrites en une après-midi. Et JeanLuc Godard a demandé récemment à relire sa nécro… qui n’a pas encore été écrite.

Enfin, puisque nos lecteurs ne laissent (décidément) rien passer, nous avons dû consacrer plusieurs articles aux difficulté­s rencontrée­s par

Libération pour faire respecter une promesse faite en octobre par la direction : la fin des trackers publicitai­res – ces petits bouts de code qui permettent de récolter vos données de navigation pour vous envoyer ensuite des messages publicitai­res ciblés – pour les abonnés du journal. Grâce à ces questions, les services techniques se sont mis en quatre pour résoudre ces bugs techniques. Aux dernières nouvelles, la promesse serait enfin tenue.

Robin Andraca

et Pauline Moullot

Toutes nos réponses sur «Libé» s’inscrivent dans une même démarche : s’interroger, le plus sincèremen­t possible, sur le journal que nous représento­ns.

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