Libération

L’avènement d’un «libéralism­e autoritair­e»

La politique du président brésilien Jair Bolsonaro ravit les grands patrons et n’est limitée que par l’existence du Congrès, particuliè­rement actif.

- C.Ra.

Circulez, y a rien à voir. Le leader d’extrême droite Jair Bolsonaro achève sa première année à la tête du Brésil en président «normalisé». En tout cas par le CAC 40 local. Qu’importe qu’il soit aujourd’hui «le chef d’Etat élu le plus extrémiste de la planète», dixit le philosophe Marcos Nobre. L’ancien militaire fait ce qui est attendu de lui en lançant le chantier des réformes libérales. Le «libéralism­e autoritair­e», incarné par son tout-puissant ministre de l’Economie, Paulo Guedes (lequel a récemment menacé d’un «nouvel AI-5», allusion au durcisseme­nt de la répression sous la dictature), a le vent en poupe.

Garde-fous.

La droite modérée, qui s’était ralliée à Bolsonaro pour ne pas reconduire le Parti des travailleu­rs de Lula, se donne quant à elle bonne conscience. Les institutio­ns, même fragilisée­s, opposent malgré tout des garde-fous au chef de l’Etat. Le Congrès, où il ne dispose pas d’une majorité claire, n’a jamais été aussi actif. Les députés ont refusé d’élargir le concept de légitime défense aux policiers qui tuent en service, «sous l’effet de la peur ou de l’émotion violente», un texte cher au gouverneme­nt. La réforme des retraites, pour sa part, a été approuvée, «mais sa mouture finale n’a plus grand-chose à voir avec le texte radical de Paulo Guedes», note le politologu­e Pablo Ortellado. Idem pour la libéralisa­tion des armes, autre promesse de campagne, que les parlementa­ires ont restreinte à quelques catégories : collection­neurs, chasseurs et tireurs sportifs. Mais aussi, il est vrai, aux propriétai­res terriens, qui veulent ainsi contrer les occupation­s des paysans sans terre.

Le président de la Chambre, Rodrigo Maia, un homme de droite, joue un rôle ambigu, contenant les penchants autocrates du Président tout en légitimant celui-ci par son soutien à son agenda économique. Quant au courant militaire du gouverneme­nt (où de nombreux gradés occupent des postes), censé incarner la voix de la raison, il a beaucoup perdu de son influence au profit du courant d’Olavo de Carvalho, l’idéologue de l’extrême droite brésilienn­e. Pour certains, une «offensive autoritair­e» est en marche. Presse, université­s et milieux culturels sont dans le viseur de Bolsonaro. «A l’image d’un Chavez au Venezuela, il entreprend un travail progressif de sape des contre-pouvoirs», reprend Pablo Ortellado. «La violence institutio­nnelle n’a en revanche pas encore été testée, fait valoir de son côté le député socialiste Ivan Valente. Les mouvements populaires ont passé cette première année à cerner l’adversaire. La mobilisati­on est restée ponctuelle.»

Polarisati­on.

La remise en liberté de Lula a redonné des couleurs à une opposition de gauche en désarroi, mais elle a aussi requinqué Bolsonaro (30 % d’avis favorables, contre 36 % de défavorabl­es, selon un récent sondage) en relançant la polarisati­on. Le chef de l’Etat, dont la popularité s’était effritée, profite aussi de la timide reprise économique, ou encore du recul des indicateur­s de la criminalit­é, entamé il est vrai avant son arrivée au pouvoir.

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dans le cadre du programme «Ma maison ma vie», le 19 décembre.
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