Libération

Au Soudan, des bourreaux condamnés à mort

- Célian Macé

«Il n’était pas connu, mais l’histoire de sa mort l’était, indique Ahmed Merghani, un dentiste de Khartoum. Le cas d’Ahmed al-Kheir était devenu emblématiq­ue de la répression.» En février, cet enseignant avait été violé et torturé à mort par des hommes du redouté National Intelligen­ce and Security Service (Niss) pour avoir participé à l’organisati­on de manifestat­ions antirégime. Lundi, ses bourreaux ont été condamnés à la peine capitale par un tribunal d’Omdurman, la ville jumelle de la capitale soudanaise. C’est la première fois, depuis la révolution qui a balayé le dictateur Omar el-Béchir le 11 avril, que les forces de sécurité sont jugées pour leurs exactions. Vingt-sept agents du Niss ont été condamnés à la pendaison, onze à des peines de prison, et deux ont été acquittés. «Nous commençons à sentir que le système judiciaire devient juste, commente Ahmed Merghani, qui a pris part au printemps soudanais. Je suis résolument contre la peine capitale, mais c’est un moment historique pour le Soudan. Les agences de l’Etat comprennen­t qu’elles ne sont plus intouchabl­es, que personne n’est au-dessus de la loi.» «Le sang du martyr n’aura pas été versé en vain», ont scandé des manifestan­ts à l’entrée du tribunal à l’annonce du verdict. Comme le veut la tradition juridique soudanaise, le juge a demandé au frère de la victime s’il était prêt à pardonner aux accusés. «Je demande la peine de mort», a-til répondu en éclatant en sanglots. Après la condamnati­on d’Omar el-Béchir pour «corruption» et l’ouverture d’une enquête sur les crimes d’Etat au Darfour, ce procès est une nouvelle étape dans la tentative du Soudan de solder les comptes de son passé dictatoria­l.

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