Bébés OGM : le chercheur emprisonné en Chine
Celui qui avait provoqué une onde de choc dans le monde scientifique l’année dernière, en piétinant tous les principes éthiques qui font consensus, est désormais officiellement derrière les barreaux. He Jiankui, chercheur à la Southern University of Technology de Shenzhen, dans le sud de la Chine, a été condamné lundi à trois ans de prison ainsi qu’à une amende de 3 millions de yuans (384000 euros) pour «avoir illégalement procédé à la manipulation génétique d’embryons à des fins de reproduction», selon l’agence de presse chinoise officielle.
Gestion floue. L’homme, qui avait annoncé en novembre 2018 être parvenu à faire naître Lulu et Nana, des jumelles, sans le gène porteur du VIH que leur père aurait dû leur transmettre, était déjà en résidence surveillée depuis janvier. Deux de ses collègues, dont le rôle dans l’expérience n’a pas été précisé, ont écopé de peines plus légères. Jean-François Delfraissy, président du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE), estime que la condamnation est un pas dans la bonne direction. «Même si la peine du Dr He paraît assez faible, elle envoie un message clair : les demandes de la communauté internationale ont été entendues, et nous pouvons espérer que le gouvernement chinois ne laissera plus de situation similaire se répéter.» Selon le journal MIT Technology Review, l’expérience n’a amélioré ni la santé des bébés ni celle des parents, et il n’est pas sûr que le but recherché (la résistance au VIH) ait été atteint.
La gestion légale de l’affaire reste très floue, d’autant plus que le procès du scientifique, qui n’avait pas été annoncé, s’est tenu à huis clos. L’agence de presse officielle du gouvernement justifie cette opacité par le fait que l’affaire relèverait de «la vie privée». Après le scandale de la révélation, le gouvernement chinois avait annoncé avoir fait suspendre les recherches menées par He Jiankui et lancé une enquête policière. Quelques mois plus tard, le New York Times révélait qu’il était assigné à résidence sur le campus de son université, où il n’avait pas le droit de communiquer avec l’extérieur.
Amende. He Jiankui assurait avoir opéré en toute transparence dans son université depuis au moins deux ans. La Chine avait interdit la manipulation d’embryons humains en 2003 conformément à des conventions internationales, mais n’avait pas prévu de sanction légale pour les contrevenants.
Dès décembre 2018, le ministère chinois de la Santé a exigé que toutes les universités et les centres de recherche rapportent les expériences illégales aux autorités. Depuis février, les manipulations génétiques sont désormais punies d’une amende de 100 000 yuans (environ 12 000 euros). Pour JeanFrançois Delfraissy, il est temps que le pays se dote d’un comité en charge de l’éthique : «La Chine est un grand pays de l’innovation scientifique, et ce genre de problématique se reposera dans le futur.»