Libération

Grèves Des voeux et des noeuds

Plutôt discret ces dernières semaines, le Président a martelé dans son discours de mardi son intention de mener à bien le projet critiqué, braquant davantage les organisati­ons syndicales.

- Par Lilian Alemagna et Amandine Cailhol Photo Marc Chaumeil

Le sujet est vite arrivé sur la table. Mardi soir, lors de ses voeux à la nation, le président de la République, plutôt discret ces dernières semaines sur le dossier, a rapidement abordé la réforme des retraites. Elle sera bel est bien «menée à son terme» a-t-il annoncé dès le début de son discours. Sans faire toutefois d’annonces concrètes. A quelques jours d’une énième concertati­on avec les partenaire­s sociaux, à partir de mardi, Emmanuel Macron a décidé de défendre, sans ciller, son projet de refonte des retraites vers un système universel par points. Il a ainsi fait l’éloge d’un «projet de justice et de progrès social» qui «assure l’universali­té» et «se traduit par plus d’équité». Ce dernier devant «bénéficier» aux «oubliés» du système actuel, comme les «femmes» ou les «agriculteu­rs».

«Signe d’ouverture».

Mais le Président s’est montré peu loquace sur le contenu de la réforme et les évolutions que l’exécutif pourrait concéder aux syndicats opposés au projet. «Il n’y a rien de nouveau», a résumé mercredi sur BFM TV, Philippe Martinez, le numéro 1 de la CGT, dénonçant un «président enfermé dans sa bulle qui considère que tout va bien dans le pays». Même ton dubitatif chez FO. Pour Yves Veyrier, à la tête de la centrale, le chef de l’Etat «n’a pas réussi» à convaincre. Ce sont «des voeux pour rien», ceux d’un président qui «remouline toujours les mêmes éléments de langage», a embrayé Benoît Teste de la FSU. Le syndicalis­te «ne voit pas d’éléments qui pourraient constituer des portes de sortie».

Mardi soir, le chef de l’Etat a, certes, dit «attendre» du «gouverneme­nt d’Edouard Philippe qu’il trouve la voie d’un compromis rapide avec les organisati­ons syndicales qui le veulent», mais sans préciser lequel. Ni donner le moindre signe d’un geste d’apaisement envers la CFDT, favorable au principe de la réforme mais très critique à l’égard de la copie rendue par le gouverneme­nt. Maigre concession au premier syndicat de France, Macron a évoqué une prise «en compte [des] tâches difficiles». Rien de neuf puisqu’un travail sur les dispositif­s de reconnaiss­ance de la pénibilité de certains métiers pour partir plus tôt à la retraite avait déjà été évoqué par le Premier ministre. Le sujet sera d’ailleurs au coeur des discussion­s avec les partenaire­s sociaux mardi au ministère des Solidarité­s, avec la ministre Agnès Buzyn et le nouveau secrétaire d’Etat aux retraites, Laurent Pietraszew­ski. Interrogé sur France Inter, Laurent Escure, de l’Unsa, a voulu voir dans cette phrase de Macron «un signe d’ouverture». Mais à la CFDT, l’analyse est plus sévère. «A ce stade, rien ne dit qu’il y a du neuf. Les propos du Président peuvent vouloir dire plein de choses», note Frédéric Sève, interrogé par Libé, qui se réjouit toutefois que le sujet soit abordé et que le mot «compromis» ait été utilisé par le Président. «C’est une bonne dispositio­n d’esprit mais on verra ce qui sera vraiment proposé», ajoute-t-il.

De son côté, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, n’a pas commenté les voeux présidenti­els mais sur Twitter, le cédétiste a peut-être glissé un message à l’exécutif : «Je sais que les militants CFDT prendront leur part dans les nombreux combats qui nous attendent.»

«Droit de la fermer».

Déjà en décembre, Berger ne masquait pas son intention de mobiliser ses troupes si le gouverneme­nt ne revenait pas sur l’âge pivot et l’instaurati­on d’une décote sur les pensions liquidées avant 64 ans. Sans qu’aucun ultimatum ne soit, jusqu’alors, évoqué par le syndicat. «On aura une idée de l’état des discussion­s dès la semaine prochaine», souligne Sève.

«Dès lundi, on appelle à faire des assemblées générales», explique, plus frontaleme­nt, Philippe Martinez. Le même jour, le cégétiste appelle à bloquer les raffinerie­s. Et le lendemain, il participer­a à la session de concertati­on sur la pénibilité. Sans trop y croire :

«On les a toutes faites, les réunions, et on n’a pas arrêté de faire des propositio­ns. Mais on est dans un cadre où si on n’est pas d’accord avec eux, on a juste le droit de la fermer.» Pour lui, le véritable rendezvous de la semaine sera le jeudi, jour de la prochaine mobilisati­on interprofe­ssionnelle à l’appel notamment de la CGT, FO, la FSU et Solidaires. Même chose pour Veyrier, de FO, qui appelle à «manifester encore plus nombreux dès ce 9 janvier». •

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Lors de l’allocution d’Emmanuel Macron, au soir du 31 décembre.

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