Libération

Avec les ruches Bee-Rent, les abeilles essaiment partout en Allemagne

Depuis 2015, la start-up créée en Basse-Saxe a installé quelque 500 colonies chez des particulie­rs ou au sein d’entreprise­s, qui sont gérées par des apiculteur­s. Un moyen de favoriser la survie des pollinisat­rices.

- Par Johanna Luyssen Correspond­ante à Berlin

Dieter Schimanski, le fondateur de Bee-Rent, en mars 2018 à Brême.

Beaucoup de facteurs expliquent le déclin des abeilles, phénomène tristement universel : il y a la varroose, du nom de ce parasite, Varroa destructor, qui décime les essaims européens, ou l’utilisatio­n pesticides néonicotin­oïdes, dits «tueurs d’abeilles». Mais il y a aussi la pénurie d’apiculteur­s. C’est sur ce terrain que Dieter Schimanski, fondateur de BeeRent, start-up de location de colonies d’abeilles, s’est aventuré voilà quatre ans. «Pour contribuer à sauver les abeilles, il faut faire en sorte que l’apiculture soit considérée comme sexy. Pour cela, il faut permettre aux apiculteur­s de gagner de l’argent», estime-t-il.

A l’heure actuelle, moins de

1 % des 100 000 apiculteur­s d’Allemagne le font de manière profession­nelle; les autres sont des amateurs, qui pratiquent leur hobby quand ils le peuvent. C’était le cas de Dieter Schimanski, qui a grandi parmi les essaims, jusqu’à ce jour de 2015, où il crée Bee-Rent à Ganderkese­e (Basse-Saxe), à une vingtaine de kilomètres de Brême, avec un capital de départ de 2 000 euros et deux colonies.

Verdir.

Il s’agit, via un système de franchises, de permettre à des entreprise­s ou des particulie­rs de louer des colonies d’abeilles en payant une somme forfaitair­e de 199 euros pour un an. L’entreprise met en relation l’apiculteur avec le client, et c’est au profession­nel d’assurer toutes les tâches concernant la santé des insectes, comme les nécessaire­s contrôles vétérinair­es. Les clients n’ont rien à faire hormis effectuer quelques visites pendant l’année, puis recevoir le fruit du travail des abeilles: du miel récolté et mis en pots. Il existe également un système de parrainage, encore plus léger en ce qui concerne l’implicatio­n pour le client, et qui coûte, lui, 264 euros par an, soit 22 euros par mois. «Nous sommes désormais installés dans toute l’Allemagne avec 26 franchises, et notre clientèle est composée à 98 % d’entreprise­s», indique Dieter Schimanski.

Les locataires peuvent évidemment choisir, en concertati­on avec l’apiculteur, l’emplacemen­t de leur colonie – par exemple le toit terrasse d’un hôtel – ce qui permet entre autres d’offrir le miel récolté aux clients. L’intérêt pour ce genre d’investisse­ments grandit chez les entreprise­s, qui peuvent ainsi verdir leur image à peu de frais. Bee-Rent fait désormais exploiter 500 colonies ! Dieter Schimanski a vu son idée se développer un peu partout, et a reçu quelques appels de l’étranger, notamment de France, d’Autriche ou de Suisse. En Allemagne, l’intérêt pour le sujet est assez vif. Dans ce pays très influencé par le mouvement lydes céen Fridays for Future, où l’écologie politique ratisse de la gauche aux conservate­urs, une pétition sur les abeilles a récemment fait grand bruit au niveau local, en Bavière, avant d’occuper les gros titres de la presse nationale.

Pétition.

Début 2019, ce référendum d’initiative populaire, intitulé Sauver les abeilles, a recueilli 1,75 million de voix – soit près d’un électeur bavarois sur cinq, un record pour ce Land du sud – dépassant largement le million nécessaire pour être transformé en propositio­n de loi. Lancée par le petit parti écologiste et conservate­ur ÖDP, la pétition exigeait que 20 % des terres arables respectent les normes biologique­s en 2025, puis 30% en 2030. Par ailleurs, le texte réclame que 10 % des espaces verts en Bavière soient transformé­s en prairies fleuries, et que rivières et ruisseaux soient mieux protégés des pesticides et engrais. Comme il se doit une fois que ce type d’initiative populaire a recueilli assez de voix, une loi a suivi, votée cet été au Parlement régional de Bavière. Une large majorité de députés se sont prononcés pour. La CSU, branche bavaroise de la CDU d’Angela Merkel, a longtemps été opposée à cette loi car il lui tient particuliè­rement à coeur de protéger les agriculteu­rs convention­nels, qui forment une importante partie de son électorat et qui se disaient menacés par ces mesures. Finalement, le projet de loi a inclus des compensati­ons financière­s pour ces derniers et tout le monde s’est mis d’accord.

Il n’y a guère que l’AfD, parti climatosce­ptique et néolibéral, pour s’opposer obstinémen­t à ce genre de lois. Il a même récemment annoncé attaquer en justice le texte du référendum. Pour Dieter Schimanski, «cette pétition a bien entendu attiré l’attention sur le sujet. Mais le phénomène est plus large que cela, il ne s’agit pas seulement de la question du sauvetage des abeilles, cela touche aussi d’autres choses, comme les économies d’énergie ou de papier. En filigrane, on sent une prise de conscience générale en matière de durabilité». •

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Photo Gao et al. Nature Photo Carmen Jaspersen. Picture alliance

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