Libération

Pourquoi la Corée du Nord repasse aux menaces

- J.Lu. Laurence Defranoux

Finalement, il n’y aura eu ni «cadeau de Noël» envoyé par les airs aux Etats-Unis ni discours du nouvel an. Depuis plusieurs semaines, la Corée du Nord faisait monter la pression, enchaînant les tirs de projectile­s et les menaces belliqueus­es. Mercredi, à la place des voeux du leader, la télévision a diffusé un discours de sept heures prononcé par Kim Jong-un durant la session plénière du Parti des travailleu­rs qui s’est tenue ces quatre derniers jours. Il y annonce que Pyongyang «met fin au moratoire sur les essais nucléaires et sur les tests de missiles balistique­s interconti­nentaux», et «prépare une nouvelle arme stratégiqu­e». Un tournant majeur après deux années axées sur la négociatio­n.

Pourquoi annoncer la reprise des programmes nucléaires et balistique­s ?

Les exigences des deux parties, en guerre depuis sept décennies, se heurtent à un problème de taille. D’un côté, les Etats-Unis veulent que la Corée entame sa dénucléari­sation avant toute négociatio­n de paix. De l’autre, la Corée n’a aucune intention de renoncer à ce qu’elle considère comme son assurance vie tant qu’un traité de paix n’est pas signé. Depuis deux ans, Kim Jong-un avait joué le jeu de la négociatio­n avec Donald Trump. Mais l’échec du sommet de Hanoi, en février, a de nouveau tendu les relations, au point mort depuis octobre.

«Les Nord-Coréens auraient proposé le gel formel des tests de missiles à longue portée et le démantèlem­ent vérifié de Yongbyon, le principal site de production de matériel nucléaire, en échange de la suppressio­n d’une partie des sanctions économique­s et de garanties sur leur sécurité,

explique Féron. Cette propositio­n a apparemmen­t été interprété­e comme une preuve de l’utilité des sanctions, et Washington a adopté une position sans compromiss­ion. Le problème de fond, c’est que les Etats-Unis n’ont pas encore décidé de normaliser les relations avec la Corée du Nord.»

Le petit pays a donc décidé de reprendre la politique de dissuasion militaire lancée sous l’ère Obama.

A quelles sanctions la Corée fait-elle face ?

Certaines sont imposées par l’ONU, d’autres sont bilatérale­s, imposées notamment par les Etats-Unis, par l’UE et le Canada. Alors qu’auparavant les sanctions visaient le secteur militaire et l’élite, elles ont créé depuis 2017 un embargo presque total sur le commerce et les transactio­ns financière­s avec la Corée. Les exemptions étant faites au cas par cas, l’importatio­n de tout ce qui contient du métal est soumise à de très lourdes démarches. Il semble que la Chine, stricte au moment de l’adoption des sanctions, ait réduit son contrôle. De même pour la Russie. Les deux pays ont plaidé au Conseil de sécurité, en décembre, pour un allègement des sanctions, montrant qu’ils seraient eux aussi favorables à une résolution pacifique du conflit. Mais «Pyongyang considère qu’il vaut mieux subir la pauvreté que soumettre la sécurité nationale à un risque extrême, dit Féron. Dans les années 90, le régime a tenu bon, [donc] je ne pense pas que cela le fera craquer.»

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