Rien ne se perd, tout se recycle
La Cuisine Laboratoire
Des prototypes futuristes connectés et pilotés depuis son smartphone
Truffée d’électronique, connectée à haute dose, pilotable à distance, digne d’un cockpit de navette spatiale, la cuisine laboratoire pourrait advenir un jour si l’on se fonde sur ce que les étudiants en design imaginent ou sur ce que les fabricants d’électroménager prototypent déjà. Côté étudiants, Cheng He, Liu Guang Kui et Zhou Dong emportaient en 2005 la compétition internationale de design intitulée «Kitchen is the heart of the home» organisée par le magazine Design Boom. Le coeur de la maison ? Leur proposition se résumait à un plot central circulaire, qui monte et descend pour s’adapter à la taille des humains, qui tourne sur luimême pour que l’évier arrive devant vous sans que vous ayez à vous déplacer jusqu’à lui. Exprimé par ses auteurs, il s’agit du «nouveau concept de cuisine heureuse», à savoir «partager la joie avec les parents et les amis face à face». Quoique réunis autour d’une colonne. Les schémas n’expliquaient guère comment les tuyaux
pouvaient suivre le mouvement rotatif. Quinze ans plus tard, où en sont les inventeurs ? Nulle trace d’eux sur le Net. Du côté des industriels, en principe, pas de place pour le délire. Dans le laboratoire du gastronome, ils ont déjà greffé des puces, des circuits électroniques et des affichages led partout. «La cuisine est devenue le hub de la maison», lit-on sur le site de Grundig. Toutefois, cela ne suffit pas : l’avenir est dans la connexion. Il faut qu’un maximum d’engins soient connectés au wi-fi et capables d’aller chercher des informations sur le Net. Même la cafetière… Dans la cuisine du futur imaginée par Whirlpool, le smartphone devient l’ustensile le plus important. C’est lui qui pilote les appareils, prévoit les temps de cuisson, donne les recettes de la semaine au propriétaire du four connecté à vapeur ou à induction avec les ingrédients à acheter (en ligne) et même le tutoriel vidéo pour réaliser les plats pas à pas. On peut être un geek capable de maîtriser
Probabilité de voir cette tendance se concrétiser :
«L’expérience de Whirlpool doit être regardée comme un concept-car», dit Jean-Noël Chevrier, chef de groupe cuisine chez Mobalpa. Les quatre fours alignés derrière leurs façades en verre noir sont l’équivalent de ces voitures futuristes montrées dans les salons mais jamais commercialisées. «La technologie et la connexion concernent surtout l’électroménager», constate-t-il, vu que personne ne demande à ouvrir les placards avec une appli. Mais même pour les appareils, «le succès n’est ni retentissant ni grandissant». La digitalisation totale n’est pas le sujet de la cuisine. «On a fait un concept de magasin avec des écrans partout et on s’est aperçu que ce n’était pas ce que le client venait chercher», dit-il encore.
La cuisine écologique
Les principes de l’écologie industrielle, dans laquelle les déchets de l’un deviennent les ressources de l’autre, pourraient-ils s’appliquer aux cuisines ? La chaleur sortant du compresseur d’un réfrigérateur pourrait-elle être utilisée pour chauffer l’eau du lave-vaisselle ? Et celle-ci, une fois salie, serait-elle filtrable afin d’être réutilisée ? La cuisine de l’avenir pourrait-elle tendre vers le circuit fermé ? En 2013, le site les Numériques revenait sur le concept de green kitchen présenté cinq ans plus tôt par Whirlpool associé au cuisiniste Schmidt pour constater que les choses n’avaient pas beaucoup progressé. «Cette cuisine est “verte” dans la mesure où les éléments coopèrent pour réaliser des échanges d’énergie et d’eau et les recycler. Cela permettrait, selon Whirlpool, d’économiser jusqu’à 70 % d’énergie», pouvait-on lire sur le site. Si la green kitchen, onze ans après sa présentation, n’est toujours pas en vente, le sera-t-elle un jour ? En fait, pour gagner ses galons écologiques, la cuisine devra commencer par l’étape de la lutte contre l’obsolescence programmée, moins ambitieuse technologiquement mais vite probante. Pourquoi l’électroménager n’est-il pas garanti plus de cinq ans ? Parce que les grosses pannes surviennent après cette durée. Les appareils réparables, les pièces de rechange garanties figurent dans la récente loi sur l’économie circulaire et seront la base de la cuisine du futur.
Probabilité de voir cette tendance se réaliser :
Depuis quinze ans, l’électroménager n’a pas cessé d’améliorer ses performances sur la consommation d’énergie et d’eau. De nouvelles technologies, comme le lave-linge à bulles d’air, le sèche-linge à pompe à chaleur ou le four à induction, peuvent les faire baisser encore plus. Toutefois, le bilan carbone final du remplacement des vieux appareils qui consomment par des neufs qui consomment moins mais qui ont été usinés le mois dernier est toujours une acrobatie de calcul. Il n’empêche : «Le développement durable est très présent dans les préoccupations des clients et le tri des déchets devient très important», résume Céline Véry, responsable de la communication de Mobalpa.