Près de Lyon, des biodéchets urbains valorisés en circuit court
Le conteneur est planté au milieu des champs et des serres. A l’intérieur, des machines sont reliées à une cuve en inox de 5 m3, une «espèce de gros estomac de vache», explique Alain Grenet, chargé d’ingénierie et développement au Centre public de formation et de promotion horticole (CFPH) d’Ecully, en périphérie de Lyon, qui regroupe un lycée professionnel et une ferme urbaine bio. La bête en métal est en fait un micro-méthaniseur né du projet Decisive, une expérimentation inédite en matière de gestion des biodéchets urbains. A cette usine miniaturisée de production de méthane est associée une «ferme verticale», où des légumes poussent en hydroponie (technique de culture hors-sol alimentée par une solution liquide). Financé par l’Union européenne à hauteur de 8 millions d’euros sur quatre ans et demi, Decisive associe une douzaine d’acteurs : des instituts de recherche, des universités (celles de Hambourg, d’Aarhus au Danemark ou l’université autonome de Barcelone), des PME et Suez.
Deux sites de tests sont prévus: le premier, opéré par Refarmers, une TPE spécialiste de l’hydroponie, a été lancé le 14 novembre à Lyon. Le second sera mis en place dans le canton de Trieste (Italie). Le «gros estomac de vache» devrait digérer 50 tonnes de déchets organiques par an. Ce sont des restaurants ou cantines qui le nourrissent. Tous trient leurs pluches pour en expédier des bidons à la ferme. Une fois broyé, le contenu de leurs poubelles permet de produire du méthane qui peut servir à chauffer des serres, à fabriquer de l’électricité pour alimenter pompes, éclairage et ventilation, mais il accouche également d’un «digestat» riche en «molécules d’intérêt» (des enzymes, des bactéries et des bioplastiques). Cette «sorte de soupe» résiduelle constitue un «super engrais agricole qui sent moins que le fumier», explique Alain Grenet, déplorant au passage la «mauvaise presse» faite à la méthanisation en raison de l’épandage qui en résulte, souvent honni des riverains.
Le digestat peut être composté avec d’autres déchets verts (ceux de la ferme ou ceux provenant de paysagistes). Associé à des substrats (tels certains déchets du BTP broyés), il permet de récréer un sol fertile. Et sous forme liquide, il peut constituer un biopesticide ciblé. Ces deux dernières options sont étudiées dans la serre expérimentale de Refarmers, la «serre verticale», pour faire pousser des tomates et des salades, chargées en intrants dans l’agriculture conventionnelle. «On essaie de chercher une pertinence technique, économique et écologique en créant un modèle intégré à la ville et décentralisé, avec la multiplication de petites unités», explique Eric Dargent, fondateur et président de Refarmers. La proximité fonde le projet Decisive, qui s’attache à un rayon de 2 km maximum dans le périmètre du Grand Lyon. L’objectif : limiter les importations de denrées et les exportations de déchets, relocaliser à l’échelle du quartier, de l’agglomération. Le traitement classique des déchets, qui leur accorde peu de valeur, s’est massifié car «c’est le seul moyen pour qu’il soit rentable», souligne Alain Grenet. Le micro-méthaniseur implanté sur le terrain du CFPH produit trop peu de gaz pour qu’il soit envisageable de le réinjecter dans le réseau collectif – le coût de la station nécessaire à l’interface serait trop élevé pour une petite structure. «Mais c’est intéressant de travailler sur cette question de l’autonomie : avec un traitement direct par une petite unité sur place, on baisse l’impact carbone d’un site», constate Alain Grenet.
A terme, le conteneur de Decisive pourrait être installé dans la cave d’un immeuble, le sous-sol d’une usine, d’un supermarché… Ce qui éviterait aux déchets organiques de faire des kilomètres pour être recyclés ou de finir incinérés, comme c’est le cas dans la Métropole de Lyon pour ceux des particuliers.
(à Lyon)