MYSTÈRES ET BOULE DE GHOSN
Les conditions dans lesquelles l’ex-patron de Renault-Nissan est arrivé au Liban, lundi, alors qu’il était assigné à résidence au Japon, restent floues. Jeudi, il a affirmé dans un communiqué avoir organisé «seul» son départ.
A l’aide d’un quatrième passeport, dans un étui de contrebasse, avec la complicité de sa famille ou de professionnels de l’évasion… Les hypothèses sur la fuite de l’ex-patron décortiquées.
Le fugitif Carlos Ghosn est désormais fiché. Interpol, l’organisme de coopération international entre 190 services de police de la planète a émis une «notice rouge» de recherche à l’encontre de l’ex-patron de Renault-Nissan, sous le coup de quatre chefs d’accusation à Tokyo pour dissimulation de revenus et détournement de fonds. Cette procédure ne devrait pas inquiéter outre mesure l’intéressé. Il a en effet choisi de s’enfuir vers le Liban à dessein, en sachant que son pays natal ne sera pas enclin à l’extrader. Depuis Beyrouth, Carlos Ghosn, contraint à un quasi-silence depuis son arrestation, semble bien décidé à en découdre et à endosser seul la responsabilité et l’organisation de son exfiltration. «C’est moi seul qui ai organisé mon départ. Ma famille n’a joué aucun rôle», a-t-il déclaré jeudi pour couper court aux rumeurs selon lesquelles son épouse, Carole Ghosn, aurait assuré la logistique de son exfiltration. Plusieurs questions restent en suspens sur la manière dont il a réussi à prendre la tangente. Mais Carlos Ghosn a déjà retrouvé les vieux réflexes de son règne chez Renault-Nissan : C’est lui et lui seul qui décide de son agenda.
Comment a-t-il quitté le Japon ?
Depuis le 25 avril, date à laquelle il a été remis en liberté conditionnelle, après deux séjours en prison, Ghosn était placé sous un contrôle judiciaire très strict. Outre une assignation à résidence dans un appartement du centre de Tokyo, ses visites étaient répertoriées tout comme ses communications téléphoniques et ses connexions internet. En échange de sa liberté conditionnelle, il a dû, en outre, s’acquitter d’une caution de 4 millions d’Euros. Afin d’éviter, en principe, qu’il ne se fasse la belle, ses trois passeports (français, libanais, brésilien) ont été placés, au moment de sa remise en liberté, entre les mains de son avocat. Il semblerait cependant que l’ex-patron de Renault-Nissan était en possession d’un quatrième passeport, français, qu’il gardait avec lui en cas de contrôle d’identité sur le territoire japonais. Ce document était enfermé dans un étui à code secret que pouvait ouvrir uniquement son avocat japonais à la demande d’officiers de police. C’est vraisemblablement ce sésame qui, une fois extirpé de force de la boîte, lui aurait permis d’entrer sans difficulté au Liban, même s’il n’a pu s’en servir pour quitter le Japon. Visiblement, l’avocat de Carlos Ghosn n’était pas au courant de ce qui se tramait. Le lendemain de la fuite de son client, Jumichiro Hironaka s’est déclaré «abasourdi» par cette décision.
La fuite de Ghosn pourrait en tout cas laisser des traces dans le système judiciaire japonais, déjà réputé pour son intransigeance. Cette affaire «prouve que les riches qui ont des soutiens parviennent à fuir à l’étranger quelle que soit la rigueur avec laquelle les tribunaux imposent des conditions de libération sous caution», a taclé Tsunehiko Maeda, un ancien procureur du parquet de Tokyo. Le quotidien conservateur Yomiuri Shimbun va même jusqu’à suggérer la mise en place d’un mode de surveillance électronique avec système GPS pour les accusés. Il suggère en outre que soit désormais imposée une caution financière équivalente à l’intégralité de leur patrimoine.
Quel rôle a joué la Turquie dans son évasion ?
Il est acquis, aujourd’hui, que le voyage entre Tokyo et Beyrouth s’est effectué en deux temps, avec une escale en Turquie et un changement d’appareil. Or cette étape n’était semble-t-il pas requise pour des raisons techniques. Selon les informations recueillies par Libération auprès d’un pilote de jets d’affaires, la distance Tokyo-Beyrouth est de 4 909 miles nautiques, soit 9 092 kilomètres. Or cette distance peut être aisément parcourue par le Global Express immatriculé TCTSR a bord duquel a embarqué Carlos Ghosn au départ du Japon. Les autorités turques veulent en tout cas éviter de passer pour complices dans cette opération d’exfiltration. Jeudi, la police a coffré et placé en garde à vue quatre pilotes et trois personnels au sol d’une compagnie aérienne de transport de marchandises. Ils sont soupçonnés d’avoir apporté un soutien logistique à l’opération.
Comment est-il entré au Liban ?
Aujourd’hui, les officiels libanais se bousculent au portillon des mé