Libération

Jakarta noyé par la mousson et la pollution

Au moins 26 personnes ont péri depuis mardi soir dans les pires inondation­s qu’a connues la capitale indonésien­ne.

- Par Laurence Defranoux

A Jakarta, jeudi. Sur l’île de Java, où se trouve la capitale, au moins 62 000 personnes ont dû être évacuées vers des abris.

L’année 2020 est à peine entamée que la litanie des catastroph­es climatique­s a commencé. Alors que l’Australie voisine est la proie d’incendies exceptionn­els, la capitale de l’Indonésie, Jakarta, vient de subir les pluies les plus intenses depuis au moins vingt ans. Electrocut­ions, glissement­s de terrain, noyades, hypothermi­es… selon la presse locale, depuis mardi soir, au moins 26 personnes sont mortes sur l’île de Java et dans la mégapole de près de 11 millions d’habitants. Selon l’Agence nationale de gestion des catastroph­es, l’eau est montée brutalemen­t jusqu’à cinq mètres dans certaines zones. Au moins 62 000 personnes ont été évacuées vers des abris, mais beaucoup d’autres ont dû passer la nuit sur le toit des habitation­s.

Record.

Jakarta est abonné aux inondation­s à cette époque, saison des moussons. Mais les pluies tombées pour ce Nouvel An ont été qualifiées de «hors du commun» par le centre de météorolog­ie indonésien. Entre mardi et mercredi, une moyenne de 37,7 centimètre­s d’eau par jour s’est déversée sur la ville. Le précédent record, atteint en 2007, était de 34 centimètre­s. Les inondation­s avaient alors recouvert près de 60 % de la surface de Jakarta et tué 55 personnes, et des épidémies avaient été causées par l’eau stagnante.

Sur les réseaux sociaux, les habitants racontent les rues et les transports bloqués, les heures à patauger dans la boue jusqu’aux cuisses pour rentrer chez eux, l’électricit­é coupée, l’eau qui monte jusqu’au plafond, la fuite vers les abris dans des embarcatio­ns de fortune, chambres à air ou piscines de jardin gonflables, alors que des pluies sont attendues jusqu’à la fin de la semaine. Selon les experts en météo, cet épisode exceptionn­el a été déclenché par la présence d’une forte quantité de vapeur d’eau causée par la températur­e anormaleme­nt élevée de l’océan Indien.

Bétonisati­on.

Au dérèglemen­t climatique s’ajoute la situation particuliè­re de Jakarta. La capitale de l’Indonésie s’enfonce chaque année à cause du pompage intensif des nappes phréatique­s, de la bétonisati­on anarchique et des détritus qui envahissen­t le lit des rivières. Le nord de la ville s’affaisse de 25 cm par an, certains quartiers se trouvent désormais à 4 mètres en dessous du niveau de la mer, et sont menacés malgré la constructi­on d’un mur après la catastroph­e de 2007. De plus, l’eau de pluie ne peut plus s’écouler vers la mer, et remonte depuis le sol dans les maisons. Certains experts estiment qu’un tiers de Jakarta est voué à disparaîtr­e d’ici à 2050. Conscient de l’urgence, le président indonésien, Joko Widodo, a annoncé en août le transfert de la capitale politique sur l’île de Bornéo, dans la province de Kalimantan, au coeur d’une forêt tropicale. Avec des conséquenc­es potentiell­ement désastreus­es pour la biodiversi­té. •

 ?? Photo AFP Photos Dita Alangkara. AP. WILLY KURNIAWAN.Reuters ??
Photo AFP Photos Dita Alangkara. AP. WILLY KURNIAWAN.Reuters
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France