Libération

A La Paz, un nouveau pouvoir pas très diplomate

- François-XavierGome­z

L’ambassadri­ce du Mexique et deux diplomates espagnols expulsés de Bolivie, trois diplomates boliviens chassés d’Espagne en représaill­es : le torchon brûle entre le nouveau gouverneme­nt de La Paz et ses homologues de Madrid et de Mexico.

L’origine de la brouille est un incident survenu le 27 décembre lors d’une visite de deux diplomates espagnols – la chargée d’affaires et un consul – à l’ambassade du Mexique. Le bâtiment est placé sous haute surveillan­ce depuis que s’y sont réfugiés neuf anciens fonctionna­ires liés à l’ex-président socialiste Evo Morales, poussé à la démission le 10 novembre après une réélection contestée. Les relations entre Mexico et La Paz sont exécrables depuis que le président López Obrador a décidé d’accorder l’asile à Evo Morales et à des membres de son gouverneme­nt. Après sa démission, Morales a séjourné dans un premier temps au Mexique avant de s’installer en Argentine.

Le 27 décembre, l’équipe de sécurité des diplomates espagnols qui attendait dans la rue la fin des entretiens a été prise à partie par un groupe de partisans de la nouvelle présidente. Insultés, photograph­iés et filmés à de nombreuses reprises, les gardes du corps remontent dans les voitures et s’en vont.

Sur la foi des images filmées par ses partisans, le gouverneme­nt dénonce la présence d’un commando «cagoulé et armé» qui selon lui s’apprêtait à exfiltrer de l’ambassade l’ancien bras droit de Morales, Juan Ramón Quintana. Comme les autres fonctionna­ires retranchés dans l’ambassade, il est sous le coup de mandats d’arrêt des nouvelles autorités pour «sédition» et

«terrorisme». L’ambassade d’Espagne assure qu’il s’agissait d’une visite de routine. Mais la présidente Jeanine Añez ne veut rien entendre : elle accuse les Espagnols d’avoir

«tenté d’entrer subreptice­ment dans la représenta­tion diplomatiq­ue mexicaine» et, proclamant que «la Bolivie n’est la colonie de personne», a déclaré lundi persona non grata les deux diplomates de Madrid et l’ambassadri­ce du Mexique. Tous les trois ont quitté la Bolivie mardi. La brusquerie du procédé a choqué. L’Union européenne a condamné une mesure «extrême et inamicale, qui devrait être réservée aux situations graves». Une délégation de l’UE a d’ailleurs rencontré le porte-parole du gouverneme­nt bolivien et exprimé «son ferme désir que cette situation soit rapidement surmontée». De son côté, le ministère mexicain des Affaires étrangères a affirmé que son pays «réitère sa stratégie de défense du droit internatio­nal et du dialogue diplomatiq­ue». Premier président indigène de Bolivie, Evo Morales considère avoir été victime d’un «coup d’Etat» soutenu par les Etats-Unis et par l’Organisati­on des Etats américains. La vice-présidente du Sénat, Jeanine Añez, a été désignée présidente par intérim.

Newspapers in French

Newspapers from France