Libération

La baisse de la production suscite la fièvre des cours mondiaux

En un an, la Chine a produit 9 millions de tonnes de porc en moins et la chute devrait s’accélérer. Conséquenc­e : les prix s’emballent dans le monde.

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Il est peu probable que l’adage selon lequel la prévision serait un art difficile se vérifie prochainem­ent pour ce qui est des cours du cochon. Bien au contraire. Les observateu­rs sont formels : la peste porcine, apparue en Chine en août 2018, devrait continuer à chambouler les cours mondiaux du cochon. En Europe, la bonne fortune des éleveurs français (lire page 12), allemands, néerlandai­s et espagnols devrait se poursuivre tout au long de l’année 2020. Même si hier, au cadran de Plérin (Côtes-d’Armor), la première cotation de l’année du kilo de cochon s’est affichée à 1,619 euro (+43 % en 2019), en repli de 1,4 centime.

«Pas de quoi y voir le signe d’un repli durable des cours, estime Philippe Chalmin, directeur du rapport Cyclope sur les marchés mondiaux de matières premières. Pour calmer l’emballemen­t du prix du cochon en Chine, provoqué par la chute de la production et la disparitio­n d’une importante partie du cheptel, Pékin a décidé de taper dans ses réserves de porc congelé. La baisse des cours est une accalmie de faible ampleur qui ne changera rien à la crise du porc en Chine.» En 2018, le monde a produit près de 113 millions de tonnes de cochon, dont 54 millions pour la seule Chine, 24 pour l’UE et 12 aux Etats-Unis. Un an plus tard, cette production n’est plus que de 106 millions alors que la Chine (premier consommate­ur mondial) ne produit plus que 45 millions de tonnes. Une production en chute libre, une Chine qui n’a d’autres choix que d’accroître ses importatio­ns au risque d’assister à une trop forte augmentati­on des prix. Il était logique que les prix du cochon flambent un peu partout dans le monde. En 2015, Pékin n’importait qu’un million de tonnes. Quatre ans plus tard, c’est dix fois plus. Mais ce niveau d’importatio­n ne suffit pas à combler la perte de production chinoise. «Avant août 2018, en Europe, au Canada et aux Etats-Unis, les marchés du cochon étaient tous en situation de surproduct­ion et avec des prix orientés à la baisse, ajoute Philippe Chalmin. Cette surproduct­ion trouve désormais un débouché : celui de l’empire du Milieu, premier producteur mondial.»

«Il est rare que les intervenan­ts sur les différents grands marchés du porc, aux Etats-Unis, au Canada, au Brésil ou encore en Europe pronostiqu­ent un retour à la normale», ajoute un spécialist­e de la filière porcine. L’année 2020 devrait connaître une forte accélérati­on de la hausse des prix du kilo de cochon. Apparu en 2018 en Chine, le virus est présent à Taiwan, au Vietnam, au Cambodge, au Laos, en Birmanie, aux Philippine­s, en Corée du Sud et a même été détecté en Belgique, à quelques kilomètres de la frontière française. En Espagne, en Allemagne, aux Etats-Unis, en France, tous les spécialist­es font tourner leur modèle pour tenter de prévoir 2020. Tous semblent s’accorder sur une prévision : le monde devrait produire moins de 100 millions de tonnes de cochon cette année. Une baisse imputée à la seule Chine, dont le niveau de production pourrait chuter de 20 millions de tonnes. Soit autant de tonnes de carcasses de cochons à importer… De quoi booster un peu plus les cours du cochon.

Vittorio de Filippis

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Photo Mark Schiefelbe­in. AP

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