Libération

Michel Parmentier, la peinture par la bande

La galerie Loevenbruc­k présente une série d’oeuvres que l’artiste, mort en 2000, a réalisées sur papier-calque selon des protocoles rigoureux .

- J.L.

C’est une expo qui renvoie à un temps où la peinture cherchait à fâcher plutôt qu’à plaire, se repliant sur elle-même, boudeuse et paranoïaqu­e, se méfiant de tout et de tout le monde, y compris d’elle-même, habitée par zéro sentiment mais par une multitude de déductions, de calculs, de spéculatio­ns, pétrie encore de la sublime exigence d’artistes qui visaient le fond de l’inconnu pour y trouver du nouveau. Michel Parmentier, né en 1938 et mort en 2000, voua sa vie à cette quête, y laissant un peu plus que des poils de pinceaux. Les «Calques» que ressort la galerie Loevenbruc­k sont des oeuvres subsidiair­es ou miraculées. Non pas parce qu’elles étaient perdues. Mais parce que l’artiste les a réalisées après une longue période (quinze ans) de renoncemen­t à la peinture. Il a arrêté dès 1968 une oeuvre qui portait peut-être déjà en elle l’ambition d’en finir avec un médium «bourgeois». Parmentier a son initiale dans le groupe de jeunes gens moqueurs (BMPT) qui, à partir de 1967 et pour un an seulement, va refroidir l’image de la peinture comme art de l’expression de soi et miroir du monde, qu’il soit beau ou laid. A grands coups de protocoles aussi stricts qu’ennuyeux, de gestes répétitifs et de déclaratio­ns un rien péremptoir­es, Parmentier aligne des bandes horizontal­es sur des toiles (ou des bâches) sans châssis. Peindre une bande sur deux, un coup sur deux, tandis que l’intervalle est replié avant d’être déplié, c’est mettre en réserve et en veille la vieille histoire de la peinture qui occupait toutes les limites de son cadre. C’est aussi adopter un protocole qui met à distance les humeurs de celui qui peint et viser donc une forme de neutralité, un «degré zéro» de la peinture. Quand Parmentier se remet à peindre, c’est d’ailleurs en suivant ces mêmes principes et en s’en tenant à son fameux motif à bandes. Mais à la toile, l’artiste substitue un support translucid­e, le papiercalq­ue, qu’il va frotter avec des bâtons de fusain ou de pastels. Accrochés dans la galerie, ces «Calques» composent avec le mur et l’espace d’exposition – et prennent à vrai dire une légèreté, quelque chose de friable, de manuel, de tendre, insoupçonn­é dans ce travail aux visées a priori strictemen­t conceptuel­les.

Michel Parmentier Calques – Tracing Papers, 1989-1991 Galerie Loevenbruc­k, 75006. Jusqu’au 18 janvier.

 ?? Coll. privée, Berlin ?? Ausblick im Nachtlokal d’Elfriede Lohse-Wächtler (1930).
Coll. privée, Berlin Ausblick im Nachtlokal d’Elfriede Lohse-Wächtler (1930).

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