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Vidéos pédophiles : un accro aux «6-11» ans condamné

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La voix est aussi claire et douce que les mots sont crus et insoutenab­les. Pour la énième fois, Sonia Lumbroso, la présidente du tribunal, lit : «Je suis vraiment prêt à baiser des gosses. […] J’ai des contacts à Manille et veux préparer mon propre business là-bas.» Un lourd silence s’est abattu sur la 15e chambre correction­nelle du tribunal de Paris, lundi, pendant sept heures difficiles d’une plongée dans le milieu de la pédopornog­raphie mondialisé­e. Les mots sont ceux de Stephan L., 50 ans, qui a «tellement de fantasmes, mais seulement avec des petites filles».

De préférence, «les 6-11».

Le 12 août 2014, ce pilote de ligne installé depuis quelques années à Singapour a été arrêté à Paris, dans un hôtel, par les policiers de l’Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP). Les enquêteurs français suivaient sa trace depuis plus d’un an, rancardés par les policiers américains du FBI sur cet homme «particuliè­rement actif» sur les forums pédophiles du «dark

Web». Singapour, Vietnam, Philippine­s, Japon, Australie… Autant de pays depuis lesquels l’ancien officier de l’armée de l’air, alias «benjibenji», a consulté des images pédopornog­raphiques. Mais aussi passé commande de «shows» en direct, de même nature. Lundi soir, le quinquagén­aire, qui comparaiss­ait libre sous contrôle judiciaire (après avoir passé deux ans et quatre mois en détention provisoire), est reparti les menottes aux poignets, dans son costume bleu marine : condamné à cinq ans de prison pour «complicité d’agressions sexuelles» par instigatio­n, pour avoir payé des vidéos pédopornog­raphiques en direct sur Internet et donné des consignes sur leur déroulé. Une première juridique en France. Fini la vieille dichotomie entre une infraction passive (la consultati­on derrière son écran) et une infraction active (l’agression sexuelle), soulignera le procureur dans son réquisitoi­re. Pendant quatre ans, de 2010 à 2014, le pilote de ligne a effectué pas moins de 70 virements (de 17 à 80 euros) à destinatio­n des Philippine­s : 57 d’entre eux ont été versés à la même femme, mère de petites filles, en contrepart­ie de «shows» en direct. «La plupart du temps, je ne voyais rien, c’était pour m’aguicher. C’était un jeu de dupes et je m’en contentais»,

s’est défendu le prévenu, affirmant qu’il s’agissait de shows «érotiques», de «mises en scène», et qu’il n’avait «aucune certitude» sur l’âge des personnes à l’écran. Il parle d’une «déviance», d’un «malêtre», de «fantasmes» contre lesquels il se «battait». «Comme une sorte de fix», «une boulimie»: quand il n’était pas bien, il télécharge­ait. Puis il éteignait l’ordinateur : «C’était on-off.» Alors qu’il se compare à «un accro à l’alcool ou à la drogue»,

Sonia Lumbroso le recadre : «Quand on est accro à l’alcool, on ne fait de mal qu’à soi-même. Quand on est accro aux images pédopornog­raphiques, on profite du viol de petites filles.»

Chloé PilorgetRe­zzouk

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