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Un second tour le 28 juin, si tout va bien

Repoussé par la pandémie, le second tour se tiendra finalement le 28 juin, a annoncé vendredi Edouard Philippe. La campagne devra cependant se faire avant tout en ligne et dans les médias.

- Par Dominique Albertini

Ce sera donc le 28 juin : Edouard Philippe a confirmé, vendredi, la décision du gouverneme­nt d’organiser avant l’été le second tour des élections municipale­s. «Après avoir pesé le pour et le contre, nous pensons que la démocratie, elle aussi, doit reprendre tous ses droits», a déclaré le Premier ministre. Donnant, avec le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, le coup d’envoi d’une campagne inédite dans son calendrier et ses modalités.

S’il appartenai­t «au gouverneme­nt de prendre et d’assumer seul sa décision», a souligné Edouard Philippe, celuici a toutefois, ces derniers jours, largement consulté les opposition­s et les corps constitués. Aucun consensus ne s’est dégagé de ces échanges, mais le Premier ministre a retenu cependant que le Conseil scientifiq­ue «estime possible et nécessaire de garantir la sécurité sanitaire des opérations électorale­s le jour du vote», et que «la tenue d’un seul tour plutôt que deux est de nature à réduire les risques sanitaires». Au-delà de l’été, ce sont les deux manches du scrutin qu’il aurait fallu rejouer dans les 5000 communes concernées.

«Inventivit­é». Philippe a lié sa décision à l’approche d’une nouvelle phase de déconfinem­ent : le 2 juin, sur la base d’un nouveau bilan de l’épidémie, l’exécutif décidera si, et où, il y a lieu de lever de nouvelles restrictio­ns aux déplacemen­ts et à l’activité écoMais nomique. Dans l’affirmativ­e, a jugé le gouverneme­nt, difficile de justifier l’annulation du scrutin.

Le décret de convocatio­n des électeurs sera donc présenté au président de la République mercredi. Aucun débat ne sera organisé à l’Assemblée sur le sujet, au grand soulagemen­t d’opposition­s qui souhaitaie­nt, pour certaines, que le second tour se tienne rapidement, mais refusaient de partager avec l’exécutif la responsabi­lité de sa convocatio­n. Reste que rien, d’ici au 28 juin, ne ressembler­a à «un second tour comme avant», a prévenu Philippe. Les actes de campagne traditionn­els –réunions publiques, tractage… – seront proscrits ou réduits au strict minimum, le reste étant laissé à «l’inventivit­é des candidats», selon les mots d’Edouard Philippe. «Il sera utile de privilégie­r une campagne numérique, les interventi­ons et les débats dans les médias», a détaillé Christophe Castaner, insistant sur le fait qu’ils disposeron­t d’un temps de campagne bien plus long que les quelques jours séparant normalemen­t les deux tours. Quant au vote, il sera encadré par de nombreuses règles sanitaires, à commencer par le port obligatoir­e du masque pour les électeurs et les membres des bureaux. Une concertati­on avec les maires et avec les partis doit être ouverte la semaine prochaine. Elle pourra conduire à l’assoupliss­ement de certaines normes, a annoncé Philippe : si le vote par correspond­ance n’est pas à l’ordre du jour, et s’il ne sera pas possible d’établir une procuratio­n en ligne, un officier de police pourra se rendre au domicile d’une personne vulnérable pour y accomplir cette démarche. l’ensemble du processus reste suspendu à l’évolution de la situation sanitaire, qui sera réévaluée quinze jours avant l’élection : en cas d’aggravatio­n de l’épidémie, le scrutin pourrait être à nouveau reporté, probableme­nt en janvier. Un texte de loi en ce sens sera d’ailleurs, à toutes fins utiles, présenté la semaine prochaine en Conseil des ministres.

Satisfaits. Ces décisions susciteron­t «des désaccords», a convenu Edouard Philippe, la tenue du premier tour au début de l’épidémie ayant déjà été sévèrement critiquée. Mais «j’assume» d’avoir alors «considéré qu’un bureau de vote était un lieu indispensa­ble à la vie du pays» et «qu’il n’y avait, ce jour-là, pas plus de risque à aller voter qu’à faire ses courses», a maintenu le chef du gouverneme­nt. Qui n’a pas indiqué s’il le resterait en cas de victoire au Havre, où il vient luimême de donner le coup d’envoi de sa campagne de second tour.

Plusieurs acteurs politiques se sont satisfaits du choix du gouverneme­nt, l’Associatio­n des maires de France jugeant logique de «terminer le cycle électoral» alors que «la sortie du déconfinem­ent s’organise dans l’ensemble des activités». Le sénateur Les Républicai­ns Bruno Retailleau a exprimé la satisfacti­on de son parti, bien placé après le premier tour et très demandeur d’un scrutin rapide: convoquer celui-ci le 28 répond à «une logique d’efficacité», a jugé l’élu. Son collègue socialiste Patrick Kanner s’est dit heureux que l’exécutif ait pris «ses responsabi­lités en tranchant et en ne demandant pas de débat au Parlement». Le secrétaire général du Parti communiste, Fabien Roussel, a lui aussi jugé nécessaire de «pouvoir élire ces exécutifs qui manquent pour faire les appels d’offres, pour la politique culturelle, […] lancer des projets». Mais estimé que l’élection ne devrait pas avoir lieu si, le 28 juin, «il y a encore des départemen­ts rouges et verts, par exemple».

La France insoumise, en revanche, a fait savoir son mécontente­ment: «Le gouverneme­nt fait le choix d’un second tour sans campagne en “privilégia­nt la TV ou sur les réseaux sociaux”, autant dire une blague, a réagi le député Alexis Corbière. En République, le vote est la conclusion d’une délibérati­on collective, c’est-à-dire une campagne. Pas de démocratie de basse intensité !» Le Rassemblem­ent national a également fait savoir que la solution retenue ne lui convenait pas, prédisant par la voix du député Sébastien Chenu un scrutin «avec 20% d’électeurs». Selon un sondage BVA pour Orange et RTL publié mardi, seuls 27 % des Français se disaient favorables à un second tour en juin. •

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Photo Benoît Tessier. AFP Le Premier ministre, Edouard Philippe, et le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, vendredi à Paris.

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