En Grèce, l’hôtellerie espère limiter la casse à partir de juillet
Les professionnels comptent sur le fait que le pays a été relativement épargné par la pandémie.
«L’été 2019 avait été très bon! 2020 aurait dû être encore meilleure», explique Philippe Roux-Dessarps, le directeur général du Four Seasons Astir Palace. Dans ce complexe hôtelier grand luxe de Vouliagméni, à vingt minutes d’Athènes, les chaises longues sont remisées malgré la canicule et les allées ombragées restent désespérément vides. Depuis le 22 mars, lorsque le gouvernement grec a ordonné la fermeture des hôtels et le confinement, le site mythique de la Riviera athénienne est une victime collatérale du Covid-19. C’est ici que le célèbre armateur Onasis amarrait son yacht. Barack Obama y avait fait escale lors de sa tournée d’adieu en 2016. Le long du littoral de cette commune grecque, ces souvenirs semblent bien lointains, tant les touristes sont absents, ici comme ailleurs.
Pour le Four Seasons, 2020 devait marquer un nouveau départ. Dans une Grèce convertie au tourisme de masse dans les années 90, il manquait, selon les professionnels du secteur, des «capacités» pour une clientèle aisée. Construit dans les années 60, près de la capitale et de l’aéroport, ce coin de paradis aux pieds dans l’eau est alors détenu par la Banque nationale de Grèce. Mais en 2016 en pleine austérité, il est vendu à un fonds d’investissement pour renflouer les caisses de l’Etat et subit une cure de jouvence jusqu’en mars 2019.
Diaspora. Depuis quatre ans, selon la fédération du tourisme grec (Sete), le secteur du tourisme ne cessait de reprendre des couleurs, montant de 22 % du PIB en 2016 à près de 26 % en 2018. Le nombre de touristes étrangers est passé de 25 millions en 2016 à plus de 31 millions en 2019. Soleil, mer et vieilles pierres avaient séduit touristes et investisseurs. «Nous avions plus de réservations que l’an passé à la même date», poursuit Philippe Roux-Dessarps, ce Français qui a fait toute sa carrière dans l’hôtellerie aux quatre coins du monde. Mais «depuis le début de cette crise, nous manquons de réponses à nombre de nos questions: nous sommes en permanence en phase de découverte». Désormais, le pays hésite entre la nécessité de préserver le tourisme ou la santé.
Pour rassurer, le Premier ministre, Kyriákos Mitsotákis, a promis le 20 mai dans une allocution télévisée : «Nous gagnerons la bataille de l’économie comme nous avons gagné celle de la santé.» Avec 166 morts dus au Covid-19 pour 10,8 millions d’habitants, la Grèce s’en sort mieux que ses voisins européens. Confiant, le chef du gouvernement a donc annoncé: «La saison touristique commencera le 15 juin lorsque les hôtels saisonniers pourront rouvrir, et les vols directs avec l’étranger reprendront progressivement à partir du 1er juillet.»
Mais les touristes tentés par la Grèce cet été pourront-ils vraiment venir ? Pour l’instant, les compagnies aériennes n’ouvrent leurs lignes qu’au compte-gouttes. Différents gouvernements recommandent aux citoyens de passer les vacances dans leur pays. Quant à la diaspora grecque hors espace Schengen, estimée à près d’un quart des estivants par différents professionnels, elle ne peut pas (pour l’instant) atterrir sur la terre de ses ancêtres.
«Nous ne connaissons pas encore le protocole sanitaire à appliquer !» signale Dora Paisiou, propriétaire de l’Amarilia, un hôtel familial de cent chambres dans la même station balnéaire. Elle doute même pouvoir ouvrir dès juin, d’autant plus que la jauge de réservations flirte avec le zéro. «D’ordinaire, à cette saison, nous accueillons des conférences. Mais toutes ont été annulées. Nous allons perdre près de 90 % de chiffre d’affaires», prévoit-elle. Selon le secrétaire général de l’association des hôteliers d’Athènes et de l’Attique, Evgenios Vasilikos, «50 % des hôteliers craignent la faillite». «Nous n’ouvrirons pas un tiers des chambres et nous ne fonctionnerons qu’avec 40 % de nos employés», affirme pour sa part Philippe Roux-Dessarps. Alors qu’en Grèce, l’hôtellerie et la restauration occupaient près de 400 000 personnes en 2019 (soit un emploi sur dix), la menace du chômage de masse plane désormais sur la Riviera, comme sur toute l’industrie touristique.
Médical. Pourtant, tous se veulent optimistes et préparent les promos. Ils espèrent que la Riviera, près du grand hôpital Evangelismos, attirera des clients désireux de soleil mais peu enclins à séjourner sur des îles où les structures médicales sont faibles. D’ailleurs, Chrysanthos Panas, propriétaire de différents établissements à Athènes et sur la côte, n’en démord pas : «Quelque chose va se passer ! Pour la première fois, le gouvernement va promouvoir la Riviera!» Dans cette perspective, ce maître des nuits athéniennes a réaménagé The Island, son club en bord de mer, pour respecter les règles de sécurité. Il en est sûr, «les Grecs vont continuer à suivre ces règles comme ils l’ont fait lors du confinement». Comme s’il s’agissait de dire aux touristes intéressés : venez sur la Riviera, là tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, fête et volupté.