Libération

A Rome, le pape prie pour un sursaut solidaire

Loin de dépeindre le Covid-19 comme un châtiment divin, François a fustigé les choix politiques qui ont rendu le «monde malade».

- B.S.

En 1522, une terrible épidémie de peste frappe l’Europe, et en particulie­r Rome. Pour implorer le ciel, de vastes procession­s sont organisées dans la ville du pape. De quartier en quartier, on marche derrière le crucifix réputé miraculeux de l’église San Marcello al Corso. A l’arrivée devant la basilique Saint-Pierre, l’épidémie prend fin…

C’est devant ce crucifix que le pape François est allé prier, le 15 mars, pour demander la fin de la pandémie de Covid-19. Marchant seul dans les rues désertées de Rome confiné depuis cinq jours, le chef de l’Eglise catholique s’est arrêté auparavant au sein de la basilique Sainte-Marie-Majeure pour se recueillir devant une icône médiévale qu’il affectionn­e particuliè­rement, une Vierge à l’enfant, dite du Salus populi romani («la sauvegarde du peuple romain»), invoquée traditionn­ellement en cas d’épidémie. François, originaire d’Argentine, apprécie grandement ces dévotions populaires.

Douze jours plus tard, arrosé par une pluie battante, le pape a demandé à Dieu de mettre un terme à l’épidémie au cours d’une cérémonie à l’esthétique fellinienn­e. Mais sans que rien, dans son discours, n’évoque un quelconque châtiment divin. Ce que François a mis en cause, ce sont les modes de vie et les choix économique­s de notre époque. «Avides de gains, nous nous sommes laissé absorber par les choses et étourdir par la hâte. […] Nous ne nous sommes pas réveillés face à des guerres et à des injustices planétaire­s, nous n’avons pas écouté le cri des pauvres et de notre planète gravement malade. Nous avons continué notre route, imperturba­bles, en pensant rester toujours sains dans un monde malade», a-t-il déclaré, très solennelle­ment. Une analyse somme toute assez proche de celle de l’écologie radicale.

Le pape a ensuite développé des thématique­s nettement plus politiques (et centrales de son pontificat), en réclamant par exemple un salaire universel. Dans sa bénédictio­n urbi et orbi de Pâques, il a appelé à un sursaut de l’Europe, qu’il souhaite solidaire, et à une trêve universell­e : «L’alternativ­e est seulement l’égoïsme des intérêts particulie­rs et la tentation d’un retour au passé, avec le risque de mettre à rude épreuve la cohabitati­on pacifique et le développem­ent des prochaines génération­s.» Au Vatican, François a demandé que des commission­s soient mises en place pour réfléchir au monde de l’après-Covid-19.

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