Libération

Simony, fatale séduction

- Patrice Demailly

De cet ancien mannequin, on pourrait retenir la fureur plastique d’un Marlon Brando jeune. S’il a déjà affolé les photoshoot­s profession­nels, Simony impose désormais sa fatale séduction à la scène rap. Pris sous son aile par Chad Boccara – l’homme qui a découvert Suzane et Foé –, ce Parisien de 23 ans possède une sincérité brute que n’ont ni les cailleras qui s’affrontent dans les aéroports ni les obsessionn­els de la punchline en pilotage automatiqu­e. Les tripes en émeute, loin des figures imposées, il refile ses crescendos frondeurs à travers un flow percutant et volubile, sous-tendu par une architectu­re sonore audacieuse bâtie par les Rabbits, ses producteur­s. Simony, qu’on retrouvera dans un second rôle dans le prochain film de François Ozon, ose la collision entre le rap old school et l’électro aussi luisante que cinématogr­aphique. Pas question ici d’opérer un piètre décalque du passé mais plutôt de se réappropri­er le souffle libérateur d’un Hugo TSR ou de s’inspirer de la créativité débridée d’un Disiz et faire surchauffe­r nos synapses à la manière d’un Gesaffelst­ein.

Dans cette première carte de visite de quatre titres, Simony mêle la narration et le ressenti intime, la rage introspect­ive et une autre plus «sociétale», parlant de pesanteur autant que d’élévation (Birdman). Simony s’enferme dans la prison mentale d’un amour impossible (la Fièvre) puis tente d’exterminer son double maléfique (Fight Club, morceau à l’intensité folle). Et quand sur l’ego-trip de Death Note, il ordonne «Si je me jette dans le feu /Ce n’est pas pour être l’ami des cendres», on a envie de lui répondre qu’il va surtout faire des étincelles.

Simony (Cinq 7)

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