…et Pékin détricote
La loi sur la sécurité nationale a été votée jeudi par l’Assemblée nationale populaire. Une quasi-unanimité de façade qui cache des divisions au sein de l’appareil d’Etat.
Il n’y a guère eu de suspense jeudi dans les travées du Parlement chinois. Les délégués réunis sous les ors du Palais du peuple, bâtiment stalinien qui jouxte la place Tiananmen, ont voté à une majorité écrasante (2 878 pour, 6 abstentions, 1 voix contre) en faveur de la loi sur la sécurité nationale à Hongkong, qui représente le plus grand tour de vis de Pékin depuis 1997 et la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine.
Lors d’une conférence de presse clôturant les deux sessions du Parlement, le Premier ministre Li Keqiang a affirmé succinctement que cette loi assurerait sur le long terme la «stabilité» du principe «un pays, deux systèmes», qui régit le territoire semi-autonome. Devant l’incapacité du pouvoir local à instaurer une telle loi jugée liberticide par les militants pro-démocratie, Pékin a décidé d’imposer la sienne. En 2003, le gouvernement avait dû rétropédaler devant des manifestations qui avaient réuni un demi-million de participants. La version chinoise englobe tout acte de «subversion, de séparatisme, de terrorisme et d’ingérence étrangère», et semble être taillée surmesure pour sanctionner les manifestations pro-démocratie qui ont secoué Hongkong pendant de longs mois l’an dernier, devenant un défi majeur pour la Chine de Xi Jinping.
Dissidents.
La loi doit encore passer entre les mains du comité permanent de l’Assemblée nationale populaire qui sera chargé, le mois prochain, de la rédiger en détail, avant d’être promulguée, probablement avant les élections à Hongkong prévues à la rentrée, sans consultation du pouvoir local. Le projet prévoit aussi d’autoriser des organismes relevant du gouvernement central à ouvrir à Hongkong des antennes compétentes en matière de sécurité nationale. En clair, des agents du ministère chinois de la Sécurité d’Etat (services de renseignement) et l’armée pourront intervenir sur le sol hongkongais. Depuis 2015, la Chine s’est dotée de sa propre loi sur la sécurité nationale pour traquer notamment les dissidents du régime communiste en s’appuyant sur la Police armée du peuple et son effectif pléthorique composé de 1,5 million de militaires déployés sur la Chine continentale. Pékin possède une autre corde à son arc avec l’unité de garnison de l’armée chinoise à Hongkong, présente sur le territoire semi-autonome depuis sa rétrocession en 1997. «Les soldats de la garnison ont la détermination, la foi et la capacité de défendre la souveraineté nationale», a déclaré à la télévision chinoise Chen Daoxiang, commandant de cette unité qui dépend de l’Armée populaire de libération.
Malgré l’apparente unanimité du vote du Parlement chinois, cette manoeuvre offensive de Pékin pourrait créer des tensions au sein de l’Etat. «Cette approbation consensuelle est en fait une illusion d’unité au sein du Parti, explique Wu Qiang, politologue basé à Pékin. La politique adoptée vis-à-vis de Hongkong va à l’encontre de la doctrine de Deng Xiaoping [secrétaire général du Parti communiste de 1956 à 1967 qui déclara à la tribune de l’ONU en 1974 : «La Chine n’est pas une superpuissance et ne cherchera jamais à l’être», ndlr], et a été accueillie avec désapprobation par une partie plus conservatrice.»
Théorie complotiste.
Des dissensions déjà observées avec l’émergence d’une nouvelle génération de diplomates chinois, montée au créneau lors de l’épidémie pour défendre et promouvoir la gestion chinoise de la crise sanitaire. Zhao Lijian, porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, avait invoqué une théorie complotiste affirmant que le virus aurait été importé par des militaires américains. Cui Tiankai, l’envoyé de Pékin aux EtatsUnis, s’était distancié de ces rumeurs qu’il avait qualifiées de «folles».
Quelques heures avant la clôture de l’Assemblée nationale du peuple, Washington avait haussé le ton par la voix de son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, qui a acté «la fin de l’autonomie» de Hongkong, alors que les tensions ne cessent de se renforcer entre les deux superpuissances. Des tensions qui se sont déplacées au sein des Nations unies, où les Etats-Unis ont réclamé mercredi la tenue d’une réunion du Conseil de sécurité au sujet de ce projet de loi. Une demande rejetée «catégoriquement» par Zhang Jun, l’ambassadeur chinois à l’ONU, clamant sur Twitter, pourtant interdit en Chine, que cette demande était «sans fondement» car relevant des affaires intérieures. Donald Trump, est resté évasif, mais a promis une riposte «puissante». En réaction, Pékin a brandi la menace de «contre-mesures nécessaires» tout en dénonçant des ingérences étrangères.
Avec la loi sur la sécurité nationale, des agents du ministère chinois de la Sécurité
d’Etat et l’armée pourront intervenir sur le sol hongkongais.