Libération

Ecoles, cafés, trains, musées… Comment la France va redémarrer

Bac de français annulé, accueil d’une majorité d’élèves, parcs et jardins ouverts y compris à Paris, trafic bientôt normal à la SNCF… Dans tous les secteurs, la situation franchit une nouvelle étape. Détails des mesures de la phase 2.

- Christophe Alix, Franck Bouaziz, Nelly Didelot, Sylvain Mouillard et Sandra Onana

Et c’est enfin un petit air chaud de liberté qui revient. Si le Premier ministre s’est appliqué jeudi à continuer de souffler «la prudence» aux oreilles des Français, l’acte II du déconfinem­ent rouvre nombre de portes qui s’étaient refermées. Particuliè­rement dans les zones vertes, avec des bémols et encore un peu de patience demandée aux habitants des «zones orange», soit l’Ile-deFrance, la Guyane et Mayotte. Réouvertur­e sur tout le territoire des parcs et jardins ; cafés, bars et restos pour tous (mais seulement en terrasse pour les «orange») ; gymnases et piscines pour les verts… La culture aussi va reprendre vie, tandis que davantage d’écoliers, collégiens, et aussi lycéens vont retrouver un semblant de vie scolaire «normale», même si l’oral de français du bac est purement et simplement annulé. Comme l’a résumé Edouard Philippe, «les nouvelles sont plutôt bonnes», même si la liberté retrouvée (exit la règle des 100 kilomètres) a ses limites : les rassemblem­ents de plus de dix personnes restent prohibés. Zoom sur ces annonces favorisées par une améliorati­on au plan sanitaire.

Éducation

Pas d’oral de français mais retour amplifié dans les établissem­ents

Dernier vestige du baccalauré­at 2020, l’oral de français n’aura pas lieu. Depuis l’annulation de toutes les autres épreuves du bac, annoncée en avril, le sort de cet oral symbolique était suspendu. Le ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer, avait promis une décision ce vendredi, il a finalement décidé de trancher dès jeudi. Une annulation visiblemen­t décidée à regret par le ministre, pour qui «l’oral est une compétence indispensa­ble à la réussite personnell­e et profession­nelle». Comme l’épreuve écrite de français, cet oral sera remplacé par les notes du contrôle continu de français, «dans un acte de profonde confiance envers les enseignant­s».

Pour Frédérique Rolet, professeur­e de français et secrétaire générale du Snes-FSU, c’était la décision à prendre. «L’oral de français, c’est 540 000 candidats. Cela aurait fait beaucoup de monde dans les centres d’examen et surtout posé un problème pédagogiqu­e, explique la syndicalis­te. Beaucoup de collègues n’avaient pas encore commencé à préparer l’oral en mars, et l’épreuve a été modifiée cette année avec l’entrée en vigueur de la réforme du lycée. Les conditions de confinemen­t très différente­s entre les candidats auraient créé trop d’inégalités.»

La décision est tout de même surprenant­e, au vu des autres annonces de Jean-Michel Blanquer, axées sur «l’amplificat­ion» de la reprise de l’école. Dans les zones vertes, les collèges qui étaient jusqu’ici uniquement ouverts aux classes de sixième et de cinquième devront accueillir tous les niveaux à partir du 2 juin. Avec le passage en zone verte de la plupart des départemen­ts, cela signifie que la majorité des collèges se remettront en route la semaine prochaine. Même ceux situés en zone orange vont rouvrir leurs portes, aux élèves de sixième et de cinquième. Les lycéens vont également retrouver leurs classes, du moins en zone verte. Les établissem­ents y sont tenus de rouvrir, et d’accueillir «progressiv­ement» les élèves. En zone orange, les élèves pourront uniquement s’y rendre pour des entretiens individuel­s avec leurs enseignant­s, concernant par exemple leur orientatio­n. L’accent est mis sur les lycées profession­nels, où «le décrochage est plus important», et les besoins différents. Ils pourront reprendre les cours, même en zone orange, où ils devront accueillir uniquement les élèves qui ont besoin de certificat­ions profession­nelles. «L’amplificat­ion» de la reprise de l’école devrait aussi signifier plus d’établissem­ents ouverts et plus d’élèves accueillis. C’est du moins ce que souhaite Jean-Michel Blanquer, qui a martelé que «toutes les écoles seront ouvertes», alors qu’envi

ron 20 % d’entre elles ont gardé porte close. En l’absence de modificati­on du protocole sanitaire, qui fixe à quinze maximum le nombre d’enfants par classe, l’élargissem­ent de l’accueil devrait passer par des activités périscolai­res «sport, santé, culture, civisme». Le ministère de l’Education nationale passe actuelleme­nt des convention­s avec les municipali­tés pour qu’elles mettent en place ce type d’activités, réalisées de préférence à l’extérieur. Elles devraient aussi être prévues dans les collèges.

A lire en intégralit­é sur Libération.fr.

BARS et Restaurant­s Alors, verre ou pas VERRE ?

«Compte tenu de l’évolution de la crise sanitaire, les restaurant­s et les cafés pourront ouvrir à partir du mois de juin avec des restrictio­ns temporaire­s en zone orange» : pour le secteur de la restaurati­on, le soulagemen­t est à deux vitesses. A partir du 2 juin, la liberté ne sera pas totale. Dans les zones vertes, les tablées ne pourront excéder 10 convives et il devra y avoir un espace minimum d’1 mètre entre chaque table. En salle comme en cuisine, les équipes de travail devront porter un masque. Idem pour les clients lorsqu’ils se déplacent, ce qui laisse supposer que l’on ne pourra se lever pour aller au petit coin à visage découvert. Enfin, les consommati­ons debout, donc au bar, ne seront pas autorisées. Dans ce mouvement de retour progressif vers la normale, l’Ile-de-France, Mayotte et la Guyane sont soumises à un régime spécial : seules les terrasses pourront y rouvrir. Pour ces zones orange, rendez-vous est pris au 22 juin pour un alignement sur les mêmes modalités d’ouverture qu’en zone verte. Les annonces gouverneme­ntales ciblent également les campings et autres villages vacances. Ils pourront de nouveau accueillir leurs clients à partir de mardi, mais uniquement en zone verte. Cette annonce sonne cependant comme un signal d’ouverture de la saison touristiqu­e, d’autant que les colonies de vacances prévues en France pourront avoir lieu.

A Montpellie­r, Jacques Pourcel, propriétai­re de trois restaurant­s dont un situé sur la plage, sert en saison 1 000 couverts par jour. Il attend encore des précisions sur la manière exacte de calculer l’espacement d’1 mètre entre les tables et s’inquiète de l’obligation du port du masque en cuisine: «Nous sommes amenés à goûter régulièrem­ent ce que nous préparons. Est-ce que nous devrons changer de masque à chaque fois ?» L’interdicti­on de consommer debout va le contraindr­e à condamner son bar à tapas. En revanche, la vaste terrasse de l’un de ses établissem­ents devrait lui permettre de rattraper le chiffre d’affaires perdu en salle.

L’ouverture plus restreinte en Ile-de-France enthousias­me très modérément Xavier Denamur, propriétai­re de cinq restaurant­s à Paris qui emploie 68 salariés : «Si je veux respecter les distances, ma terrasse qui compte 24 places ne pourra accueillir que 8 clients. Je sais faire tourner des restaurant­s avec 70 % à 80 % de taux de remplissag­e. En dessous, il faut que l’on m’explique comment être rentable.» Les mesures barrières semblent également lui causer quelques soucis : «Nous avons échappé aux gants en cuisine mais les cuisiniers vont suffoquer avec le port du masque. Je suis aubergiste, pas urgentiste.»

Culture

Musées, spectacles et cinémas voient enfin la lumière

Pour la culture aussi, les voyants passent enfin au vert : Edouard Philippe a annoncé la réouvertur­e de tous les musées et monuments dès le 2 juin, ainsi que celle des salles de spectacle à la même date dans les zones vertes, et le 22 juin en zone orange – sous réserve d’arriver à remettre une programmat­ion sur pied. Le port du masque y sera obligatoir­e et la gestion de l’espace devra s’y conformer au protocole sanitaire. A la demande des exploitant­s, les cinémas rouvriront sans distinguo entre zones le 22 juin. «La logique de la prudence et de la confiance» prime pour ces espaces confinés sans jauge maximale d’accueil des publics spécifiée. «Notre grand adversaire, ce sont les très grands rassemblem­ents», a déclaré Edouard Philippe: la jauge maximale de 5000 personnes pour les rassemblem­ents en plein air reste en vigueur, mais «pourra le cas échéant être revue à la baisse par les préfets».

Transports

Feu les 100 km maximum

Symbole entre tous de cette deuxième phase du déconfinem­ent, la limite des 100 km de déplacemen­t autorisé autour de son domicile saute à partir de mardi. Mais il faudra attendre encore un peu pour partir à l’étranger, au sein de l’UE comme au-delà des frontières de l’Europe.

Si la France est favorable au retour à la liberté de déplacemen­t au sein de l’UE, le Premier ministre a indiqué qu’une décision collective au niveau européen interviend­rait le 15 juin pour les règles d’entrée à l’intérieur du territoire européen. Au sein de l’UE, la réouvertur­e des frontières françaises sans mesures de quartorzai­ne sera effective à la même date, sauf dans le cas où d’autres pays appliquera­ient ce type de mesures pour les ressortiss­ants arrivant de France. Dans ce cas, la réciprocit­é s’appliquera, ce qui signifie que la France placera en quartorzai­ne les arrivants d’un autre pays européen qui maintiendr­ait une telle mesure au-delà du 15 juin pour les arrivées de France.

Enfin, les transports publics vont progressiv­ement reprendre leur activité : l’aéroport d’Orly rouvrira le 26 juin et la SNCF compte reprendre son trafic normal dans les jours qui viennent. Pour les transports en commun en Ile-de-France, Edouard Philippe a indiqué que l’obligation d’avoir une attestatio­n pour se déplacer aux heures de pointe serait levée dans les jours qui viennent, en concertati­on avec la présidente LR de la région, Valérie Pécresse.

Santé

Un seuil de «vigilance»

«Les résultats sont bons» : deux semaines et demie après le début du déconfinem­ent, Edouard Philippe s’est d’emblée félicité de l’évolution de la situation sanitaire. Illustrant son propos d’une carte de France presque intégralem­ent verte, tout juste parsemée d’îlots de couleur orange (l’Ile-de-France, la Guyane et Mayotte), le Premier ministre a indiqué que la propagatio­n du Covid-19 était «sous contrôle». «Nous sommes là où nous espérions nous trouver, et même un peu mieux», a-t-il détaillé.

Ainsi, 1 500 personnes sont aujourd’hui hospitalis­ées dans un service de réanimatio­n, contre plus de 7 000 au moment du pic épidémique il y a deux mois. Le R0, c’est-à-dire la probabilit­é qu’un malade infecte d’autres personnes, s’élevait à 3 en mars. Il est désormais inférieur à 1, ce qui signifie que l’épidémie «régresse», selon les mots du ministre de la Santé, Olivier Véran. Les hôpitaux de la région Grand-Est, la première touchée par la vague, se sont largement vidés de leurs malades du Covid-19 : moins de 40 % des lits de réanimatio­n leur sont désormais dédiés.

Pour autant, une vigilance particuliè­re continuera à être portée à certains départemen­ts, notamment en Ile-de-France où le Val-d’Oise concentre le plus de difficulté­s. De nouveaux indicateur­s serviront de tableau de bord : le R0, l’incidence du virus (le nombre de personnes infectées chaque semaine pour 100 000 habitants), le taux de positivité des tests PCR (aujourd’hui de 1,9 %), ainsi que le taux d’occupation des services de réanimatio­n (à partir de 40 % de patients atteints du Covid, un seuil de «vigilance» sera activé). Conséquenc­e directe pour ces territoire­s encore fragiles, selon Edouard Philippe : «Le déconfinem­ent y sera un peu plus prudent au cours des trois prochaines semaines.» La guerre sanitaire n’est pas encore terminée.

 ?? Photo Rémy Artiges ?? Un restaurant fermé sur la plage de La Baule (Loire-Atlantique), le 1er mai.
Photo Rémy Artiges Un restaurant fermé sur la plage de La Baule (Loire-Atlantique), le 1er mai.

Newspapers in French

Newspapers from France