Libération

Laurent Nuñez «Le racisme n’a pas sa place dans la police»

Le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur défend des forces de sécurité mises en cause pour leur action pendant le confinemen­t et réfute la défiance d’une partie de la jeunesse et des mouvements sociaux.

- Par charles delouche, willy le devin, amaelle guiton et ismaël halissat Photo Jérôme Bonnet

Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nuñez, 56 ans, ex-préfet de police des Bouches-du-Rhône puis directeur général de la Sécurité intérieure, dresse, pour Libération, un premier bilan des interrogat­ions suscitées par l’état d’urgence sanitaire.

Le confinemen­t a commencé le 16 mars, le déconfinem­ent, dont la phase 2 a débuté jeudi, s’est amorcé le 11 mai. Quel bilan tirez-vous de cette période très particuliè­re dans l’histoire du pays, régie par l’état d’urgence sanitaire et une restrictio­n sans précédent des libertés ?

Nous vivons une période très particuliè­re surtout, évidemment, pendant la période de confinemen­t, avec des restrictio­ns importante­s à la liberté de circulatio­n, possible uniquement sous conditions dérogatoir­es. Les forces de sécurité intérieure ont été pleinement engagées, et elles continuent de l’être, dans le contrôle de la mise en oeuvre de ces mesures. Certaines journées, jusqu’à 100 000 policiers et gendarmes ont été engagés sur le territoire national. C’est énorme. Globalemen­t, les règles de confinemen­t et de non-rassemblem­ent sur la voie publique ont été très majoritair­ement respectées, y compris d’ailleurs dans les quartiers sensibles, contrairem­ent à ce qu’on a pu entendre dire. Au total, nous avons contrôlé plus de 21 millions de personnes, et relevé 1,17 million d’infraction­s environ, ce qui correspond à un taux de 5,5%. La plupart des contrôles se sont déroulés sur la voie publique, pour s’assurer que les personnes avaient des attestatio­ns. Très peu d’incidents nous sont remontés. Sur la plateforme de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), nous avons eu environ 500 signalemen­ts effectués par des particulie­rs, dont une centaine seulement liés à l’imputation de violences physiques ou verbales. On peut dire que le confinemen­t s’est bien passé.

De nombreux témoignage­s ont pourtant contesté des verbalisat­ions. Le Conseil constituti­onnel est saisi d’une question prioritair­e de constituti­onnalité sur le délit de violation répétée du confinemen­t. Et, dans son avis, l’avocat général de la Cour de cassation parle de «risque d’arbitraire important»…

4 174 personnes ont été interpellé­es pour ce motif : en moyenne, c’était 76 personnes par jour. Il n’y a pas eu d’arbitraire. Entre les impératifs de protection sanitaire de nos concitoyen­s et l’atteinte portée à la liberté de circulatio­n, nous avons cherché l’équilibre. Le Conseil constituti­onnel tranchera. Oui, c’est une mesure restrictiv­e des libertés, évidemment, mais il faut le mettre en regard de l’impératif de protection des population­s.

Il y avait pourtant un problème dans la définition même des violations de l’état d’urgence sanitaire: quand on parle d’achats de première nécessité par exemple, cela ne laisse-t-il pas la place à l’interpréta­tion, donc à l’arbitraire ?

Oui, vous touchez du doigt un problème que nous avons eu au début. Les règles ont ensuite été précisées. Sur les achats de première nécessité, il y a eu des verbalisat­ions qui peuvent être contestées à bon droit, car nous n’avions pas à contrôler la nature des produits achetés. Il y a eu une fiche adressée à toutes les forces de sécurité intérieure à ce propos. Le 26 avril, nous écrivions que le taux de verbalisat­ion en SeineSaint-Denis était de 17 %, contre 5,9 % au niveau national : comment expliquez-vous ce rapport de 1 à 3 ?

On nous a accusés de ne pas aller dans les quartiers sensibles pour effectuer les contrôles : le chiffre que vous avancez prouve que c’est faux. On nous a aussi accusés d’en faire un peu trop parfois, c’est faux aussi. En Seine-Saint-Denis, comme d’ailleurs en petite et grande couronne ou dans les grandes agglomérat­ions, on est dans des territoire­s où peuvent se produire des rassemblem­ents d’individus. Il a pu y avoir, par exemple, des contrôles de regroupeme­nts de jeunes qui jouaient au foot… Dans ces contextes de rassemblem­ent, les personnes sont toutes en infraction, donc il peut y avoir plus de verbalisat­ions. Ce sont aussi des territoire­s où le confinemen­t peut être plus difficile à vivre, compte tenu des surfaces des logements. Ce sont aussi des zones de forte circulatio­n du virus : l’enjeu de protection des population­s y est d’autant plus fort. Mais il n’y a eu aucune stigmatisa­tion dans les contrôles: ils ont porté partout de la même façon sur l’ensemble du territoire. Ces contrôles étaient souvent, d’ailleurs, à vocation pédagogiqu­e, pas toujours accompagné­s de verbalisat­ions. En Seine-Saint-Denis, les effectifs de police me disaient que quand ils allaient contrôler des jeunes qui jouaient au football, ils se dispersaie­nt. En tout cas, il n’y a pas eu de consigne de contrôle accru. En général, cela s’est bien passé, même s’il y a eu quelques prises à partie d’effectifs.

Vous répondez à côté de la question. Vous n’avez pas l’air de considérer qu’il peut exister une différence de comporteme­nt des policiers selon les population­s. Il y a pourtant une histoire du contrôle d’identité en France. En 2017, une enquête du Défenseur des droits montrait que la probabilit­é d’être contrôlé était 20 fois plus élevée pour les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes que pour les autres personnes interrogée­s. C’est dans ce contexte qu’a débuté l’état d’urgence sanitaire… Non, le contrôle est fait quand des personnes se déplacent –et on vérifie si elles sont habilitées à le faire– ou quand elles se rassemblen­t sur la voie publique. Aucun critère comme ceux que vous venez de citer n’entre en ligne de compte. Les policiers sont-ils plus sévères en Seine-Saint-Denis que dans d’autres territoire­s ? Je ne le pense pas. Pour les contrôles des personnes qui circulent, l’attestatio­n est valable ou pas : si elle ne l’est pas, on verbalise. Dans le cas des rassemblem­ents, il peut y avoir une invitation à la dispersion. Et je pense que dans la majorité des cas, c’est comme cela que les choses se sont passées. Il n’y a pas eu de comporteme­nts stigmatisa­nts. Les policiers savent travailler dans ces quartiers, où ils doivent agir avec fermeté et discerneme­nt. Il n’y a pas eu deux poids, deux mesures. Il n’y a pas eu d’instructio­ns en ce sens, et ce ne sont pas des choses qui nous sont remontées comme telles.

Nous avons obtenu les données pour la Seine-Saint-Denis, mais pourquoi ne rendez-vous pas publiques les données des contrôles et des verbalisat­ions par territoire ?

Est-ce que nous avons vocation à les rendre publiques ? Ce n’est pas certain. Les premiers jours du confinemen­t, le but était de concentrer les contrôles dans les endroits où il y a des rassemblem­ents naturels de personnes : les esplanades, la voie publique, etc. Ensuite, on va partout où il y a des habitants et partout où le virus circule et il faut donc «casser» les chaînes de transmissi­on. Il n’y a eu ni restrictio­n dans les contrôles ni zèle dans certains territoire­s, je peux vous l’affirmer. Nous avons le détail par départemen­t. Ces chiffres n’ont rien de secret. Tant qu’ils ne sont pas publics, ils sont secrets ! Même dans le cadre du contrôle parlementa­ire de l’état d’urgence

sanitaire, vous n’avez pas transmis les données sur les contrôles et les verbalisat­ions par territoire… Des données ont été régulièrem­ent transmises mais pas à l’échelle départemen­tale. Nous nous tenons à la dispositio­n du Parlement. Comment avez-vous comptabili­sé ces contrôles ?

Ce sont des déclaratio­ns faites par les effectifs. C’est une patrouille qui va être sur un rond-point, par exemple en zone rurale –parce qu’il y a eu aussi énormément de contrôles sur les circulatio­ns d’axes secondaire­s– et qui compte le nombre de personnes contrôlées. Pour les verbalisat­ions, évidemment, nous avons d’autres modes de comptabili­sation.

On vous pose cette question en référence une nouvelle fois à l’histoire des contrôles d’identité en France, parce que les chiffres annuels n’ont jamais été rendus publics. Et là, vous arriviez à donner un chiffre des contrôles pendant le confinemen­t. Oui, parce que ce sont des contrôles de confinemen­t. Le contrôle d’identité en mode classique a lieu quand il y a une suspicion d’infraction, quand il y a une volonté de vérifier une situation. L’action n’est pas motivée par le souhait de faire un contrôle d’identité. Les contrôles de confinemen­t Covid étaient dédiés à cette mission, dans un cadre légal spécifique : celui de l’état d’urgence sanitaire.

Les agents de la police municipale, et d’autres, ont obtenu un pouvoir de verbalisat­ion. Quel contrôle avez-vous sur ce qu’ils font ?

Derrière ce choix, il y a l’idée que les forces de sécurité intérieure ne sont pas uniquement dédiées à cette mission. C’est l’objectif de ce continuum de sécurité. Un certain nombre d’élus locaux nous ont demandé que les policiers municipaux puissent procéder à ces verbalisat­ions. Ils ont relevé près de 139940 infraction­s…

Sur ce total, la seule ville de Béziers a par exemple annoncé avoir procédé à 4 000 verbalisat­ions. Un homme, Mohamed Gabsi, est également mort le 8 avril après son interpella­tion par la police municipale. N’avezvous pas délégué un pouvoir trop important aux maires ? Les verbalisat­ions sont une compétence des polices municipale­s : ce n’est pas nous qui contrôlons, c’est l’officier du ministère public qui peut contrôler si ces verbalisat­ions étaient abusives. Je n’ai pas de commentair­e à faire sur la façon dont les policiers municipaux ont été employés en fonction des communes, mais, globalemen­t, cela a été un concours précieux. Dans le cadre du futur livre blanc de la sécurité intérieure, nous réfléchiss­ons d’ailleurs à une extension des compétence­s des polices municipale­s, et donc forcément du pouvoir de verbalisat­ion. Il y a des champs entiers dans lesquels on pourrait les voir intervenir de manière plus régulière, comme sur l’environnem­ent. Mais il faut rester vigilants, et les faits que vous citez concernant Béziers, pour lesquels la justice est saisie, viennent nous le rappeler.

Une vidéo d’une interventi­on à l’Ile-Saint-Denis, où l’on entend des policiers tenir des propos racistes, a suscité beaucoup d’indignatio­n. Idem pour une autre vidéo plus récente, enregistré­e à Lille. Existe-t-il selon vous un racisme diffus dans la police ? Le racisme n’a pas sa place dans la police. Les faits de l’Ile-Saint-Denis, nous les avons condamnés fortement. Les policiers concernés sont suspendus dans l’attente des suites judiciaire­s. Mais non, un racisme diffus dans la police, je ne peux pas laisser dire ça. Dire qu’il y a un racisme diffus reviendrai­t à dire que tous les policiers ou qu’une grande partie d’entre eux seraient racistes. C’est quelque chose que je réfute comme secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, mais aussi comme ancien haut fonctionna­ire. Je n’ai jamais constaté cela. La police est diverse, à l’image de la société française. Les policiers sont par nature ceux qui intervienn­ent lorsque des propos racistes sont tenus. Nous avons mis en place des formations, développé des plateforme­s d’alerte en interne pour dénoncer des faits qui se déroulerai­ent dans les services. Il y a et il y aura toujours une tolérance zéro à ce sujet.

A la suite des déclaratio­ns de l’artiste Camélia Jordana et des réactions qu’elles ont entraînées, le hashtag #MoiAussiJ’aiPeurdela­Police s’est diffusé sur les réseaux sociaux. Il y a un ressenti très fort de stigmatisa­tion d’une partie de la population, plutôt jeune, des quartiers populaires…

Dans ces quartiers, les gens ne se sentent pas stigmatisé­s par la police. Qu’il y ait une réaction sur les réseaux sociaux est une chose, mais la réalité, c’est que 95 % des gens demandent des interventi­ons de la police, dans les quartiers sensibles, contre ceux qui commettent des nuisances, des infraction­s ou des incivilité­s. Ils demandent qu’on les protège.

La confiance entre la police et la population ne cesse de baisser pourtant, la dernière étude, datée du mois d’avril, fait état d’un taux de 68 %.

La relation de confiance dans la police se maintient à un haut niveau.

L’érosion observée n’est pas due au sentiment des jeunes qui vivent dans les quartiers sensibles. Les interventi­ons dans ces quartiers sont toujours justifiées pour lutter contre la délinquanc­e, intervenir lorsqu’il y a des violences urbaines, protéger la population. Dans la défiance qui s’est installée minoritair­ement, et doit être notre préoccupat­ion, il y a un «effet gilets jaunes». Un discours politique des partis d’opposition laissait à penser que les interventi­ons réalisées pour réagir à une expression violente d’une minorité de manifestan­ts étaient une volonté de réprimer la contestati­on sociale, alors que c’était pour protéger la liberté d’expression, pour protéger les gens. Cela a contribué à entacher la relation de confiance entre la police et la population. Mais quelle qu’en soit la raison, on ne peut pas laisser s’installer ce sentiment de défiance. Cela passe par de l’action de terrain des effectifs, par le relationne­l avec des associatio­ns, et par des interventi­ons pédagogiqu­es en milieu scolaire.

Cette défiance est aussi nourrie par le sentiment de deux poids, deux mesures dans les enquêtes judiciaire­s concernant les forces de l’ordre et sur le discours que vous avez porté pendant des mois…

Nous avons toujours été extrêmemen­t clairs sur le fait que toute riposte policière doit être proportion­née, et que toute action doit s’inscrire dans le cadre légal. Lorsqu’il y a une faute, il doit y avoir sanction. Mais nous assumons aussi une doctrine qui se voulait une doctrine réactive qui mette un terme aux dégradatio­ns, aux violences. D’un côté, des partis comme LR nous reprochent de ne pas en faire assez, d’empêcher les policiers d’intervenir. D’autres refusent de voir qu’il y a des prises à partie des effectifs, des dégradatio­ns de commerces. Cela, on ne l’invente pas ! Sur les enquêtes judiciaire­s qui visent les forces de l’ordre, le reproche fait est que cela ne va pas assez vite. Mais quand vous avez un manifestan­t qui jette un pavé et est interpellé, c’est en flagrance, alors que lorsqu’il y a une plainte à l’IGPN, vous n’êtes plus dans le même cadre juridique : il faut des investigat­ions, c’est toujours plus long.

Après la mort du coursier Cédric Chouviat, le 5 janvier à Paris, Christophe Castaner avait dit

vouloir réexaminer les techniques d’interpella­tion, notamment celle, au coeur de l’affaire, dite du «plaquage ventral». Qu’en est-il de cette évolution ? La lettre de mission demandaite­lle un arrêt de ce geste ?

Non, nous avons demandé une revue de ces techniques aux deux directeurs généraux, police et gendarmeri­e. Ils y travaillen­t, en regardant l’ensemble des gestes liés à l’interpella­tion, au menottage, et même au transport jusqu’au commissari­at. Ils devraient nous soumettre ce rapport prochainem­ent, sachant que ce qui est visé, ce ne sont pas tant les règles qui régissent ces techniques, qui sont extrêmemen­t précises, mais plutôt les consignes qui sont délivrées pour les appliquer. Selon nos informatio­ns, certains chefs d’unité refusent de transmettr­e l’identité des fonctionna­ires suspectés à l’IGPN dans le cadre des réquisitio­ns judiciaire­s, obligeant cette dernière à effectuer des réquisitio­ns administra­tives pour obtenir des réponses. N’est-il pas révoltant que des membres de la hiérarchie policière se comportent ainsi ? Ce que vous dites ne m’est pas reS’il y a eu, ici ou là, une rétention sur l’identité des fonctionna­ires qui sont intervenus sur des faits précis, évidemment, ce n’est pas normal. Toutefois, il peut être compliqué, quand un groupe constitué intervient et que la violence est telle que l’usage des armes collective­s est multiple, d’identifier le policier ou le gendarme qui est l’utilisateu­r de l’arme qui a pu causer un dommage. Parfois, l’IGPN y arrive en mettant beaucoup de temps, parfois pas. Mais en tout état de cause, il n’y a évidemment pas de consignes, ni du ministère de l’Intérieur ni des directeurs généraux, de ne pas coopérer aux enquêtes des inspection­s. Bien au contraire. Mais peut-on s’en satisfaire ? La procédure d’identifica­tion estelle suffisante selon vous ? C’est pour cette raison, notamment, que de nombreuses enquêtes concernant des blessures subies lors des manifestat­ions des gilets jaunes ont été classées sans suite…

L’identifica­tion peut être difficile, mais les effectifs, chaque fois qu’ils utilisent l’arme collective, en rendent compte. Il y a des rapports, des bases de données dans lesquelles on a exactement l’heure d’usage de l’arme, y compris quand il semble à l’utilisateu­r que le projectile a touché son but. Il y a donc bien un contrôle opérant fait là-dessus. L’IGPN s’appuie aussi sur les images de vidéoprote­ction.

Ce n’est pas toujours suffisant. Dans certains pays, le numéro d’identifica­tion de chaque fonctionna­ire est inscrit en très gros au dos des uniformes. Pas en France.

Vous savez qu’avant l’épidémie de Covid-19, nous avions lancé des travaux sur un nouveau schéma national d’ordre public. Cette question, comme celle de la doctrine d’emploi, fait partie des sujets dont nous étions en train de débattre. Les discussion­s reprendron­t dès que les conditions sanitaires le permettron­t. Mais d’ores et déjà, nous avons rappelé que les fonctionna­ires doivent porter leur numéro d’identifica­tion, le fameux RIO [qui figure aujourd’hui en petit au niveau du torse des agents, mais n’est pas toujours porté par les effectifs, a fortiori lors de manifestat­ions, ndlr]. C’est d’ailleurs compliqué à faire respecter parce qu’en face, il y a des gens qui filment les policiers, qui mettent ensuite les vidéos sur les réseaux sociaux afin de les reconnaîtr­e. Certains policiers ont été inquiétés jusqu’à leur domicile personnel. Je ne cherche pas à excuser ceux qui ne portent pas le RIO, mais il y a un contexte qu’il faut prendre en compte. Certaines organisati­ons syndicales nous ont même demandé l’interdicti­on de filmer les policiers en manifestat­ion. Une propositio­n que nous avons écartée. Une «police des polices» organiquem­ent indépendan­te n’estelle pas souhaitabl­e ?

Je ne voudrais pas que s’installe un faux sentiment. L’IGPN, quand elle est saisie en judiciaire, travaille sous l’autorité de la justice. Lorsqu’elle est saisie en administra­tif, elle est crainte par les policiers : ce n’est pas pour rien qu’on les appelle les «boeuf-carottes», avec des pouvoirs d’investigat­ion et de sanction importants. Il faut quand même rappeler que les policiers sont la catégorie la plus sanctionné­e de la fonction publique d’Etat, avec un peu plus de 55 % du total des sanctions prononcées. Il faut donc sortir de l’idée selon laquelle l’IGPN est une inspection générale dépendante. Elle est certes rattachée au directeur général de la police nationale (DGPN), mais les enquêtes sont menées par l’IGPN, sans aucune interventi­on du pouvoir politique. Plusieurs notes du Service central du renseignem­ent territoria­l (SCRT) ont fuité ces dernières semaines dans la presse. Elles font état d’une reprise probable de la contestati­on sociale après l’épidémie. Certains de ces documents attribuent même des dégradatio­ns d’antennes téléphoniq­ues 4G à la mouvance «anarcho-autonome». Qu’observez-vous concrèteme­nt ?

Ce qu’on observe, c’est une volonté de repasser à l’action dès que le virus sera derrière nous de la part de la mouvance d’ultragauch­e, renformont­é.

cée par des gilets jaunes qui se sont «radicalisé­s». Des actions sont annoncées, pour noyauter à nouveau certaines manifestat­ions, si tant est qu’elles puissent avoir lieu dans un avenir proche. Avec cette idée, toujours, d’infiltrer, de se dissimuler, pour passer à l’action. Mais il y a aussi des sites qui incitent à des«actions directes», c’est le terme employé, dont la visée peut être des dégradatio­ns d’ampleurs variables, sur des pylônes de téléphonie, des véhicules d’opérateurs de service public qui sont brûlés, des jets de

cocktails Molotov sur des gendarmeri­es. Pour l’instant, rien n’est revendiqué par cette mouvance, mais ce sont des modes d’action auxquels elle appelle. Nous sommes très attentifs à ça. Et nous organisons évidemment les services de renseignem­ent et les effectifs de voie publique pour y faire face. Cette période de sortie de crise sanitaire semble propice à des messages classiques de déstabilis­ation, mais nous ne laisserons jamais se développer des actions contre nos institutio­ns. •

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Le secrétaire d’Etat Laurent Nuñez en ses bureaux place Beauvau lundi.
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Rassemblem­ent contre les violences policières, à L’Ile-Saint-Denis, lors du premier jour de déconfinem­ent, le 11 mai.
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Photo Denis Allard

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